Voici une question qui revient souvent chez les travailleurs et travailleuses autonomes, surtout quand les affaires roulent et que les contrats rentrent : est-il possible d’embaucher un employé en ayant le statut de travailleur autonome?
En effet, il peut être tentant pour une entreprise individuelle de considérer une personne à temps plein en plus lorsqu’une activité professionnelle se développe.
Cependant, nous allons voir que l’embauche d’un employé ne rentre pas dans le cadre du travail autonome, puisque par définition, c’est une entreprise indépendante gérée par une seule personne, sans aucun lien de subordination, il n’y a donc légalement ni employeur ni employé dans ce statut de travail où l’on est son propre patron.
Rappel du statut de travailleur autonome
Le Québec compte aujourd’hui près de 600 000 travailleurs autonome, un chiffre en hausse dans la dernière décennie, puisque de plus en plus de travailleurs font le choix de l’indépendance.
Pour répondre à notre question de la possibilité d’avoir un employé, il faut ici rappeler ce qui définit le statut de travailleur autonome.
Aux yeux de la loi canadienne, donc de Revenu Québec, mais aussi de l’ARC, l’Agence du Revenu du Canada, qui aide parfois des travailleurs et employeurs à déterminer le statut du travailleur lorsque ce n’est pas clair, un travailleur autonome se définit notamment par :
- Le libre choix des moyens d’exécution du travail
- La propriété des outils et méthodes utilisées
- L’absence de lien de subordination avec le client
Il n’y a de ce fait pas de lien employeur-employé avec la personne pour qui on travaille, pour qui on réalise un contrat de service, un contrat de travail indépendant ou une pige.
Avoir un employé implique un lien de subordination à un patron ou un employeur, ce qui n’est ainsi pas le cas dans une dynamique de travail autonome.
Le statut d’employé implique qu’une partie du salaire soit retenue par l’employeur pour payer des charges sociales, et faire bénéficier l’employé d’avantages sociaux comme une assurance collective, une assurance maladie, le droit à l’assurance-emploi, à des jours fériés payés, des produits d’épargne comme les REER, ou encore la protection par la loi sur les normes du travail comme la CNESST en cas d’accident de travail.
Le salarié ou employé reçoit ainsi un salaire net et déduit d’impôts, alors que le travailleur autonome reçoit une paye brute, avec laquelle il devra, après sa déclaration de revenu, payer son impôt sur le revenu, donc sur son chiffre d’affaire, ce qui inclue les taxes fédérales et provinciales (TPS et TVQ), pour éventuellement prétendre à certains avantages sociaux comme le RRQ (Régime de Rentes du Québec) ou le RQAP (Régime Québécois d’Assurance Parentale) en payant notamment des cotisations à travers les acomptes provisionnels.
Déléguer, sous-traiter : collaborations indépendantes
Cependant, la situation professionnelle est bien réelle sur le terrain : il peut tout à fait arriver que dans le cadre d’une activité de travailleur autonome, il soit nécessaire d’embaucher une autre personne pour pouvoir finir l’ouvrage à temps, par exemple en sous-traitant certaines tâches.
Dans ce cas-là, un entrepreneur travaillant à son propre compte peut alors déléguer ou sous-traiter une partie de son contrat, puisqu’il est le seul décideur et a le droit de choisir ses moyens de travail pour l’exécution du contrat, en faisant appel à un autre travailleur indépendant, un pigiste ou un contracteur.
On parlera alors de prestation de service, de pige, de consultant, de freelance, ou de partenaire, mais pas d’employé.
Exemple : vous êtes réalisateur / vidéaste à votre propre compte, et vous avez un contrat avec une agence de publicité montréalaise. Votre contrat est de réaliser une petite publicité vidéo et de la livrer dans 3 mois. Pour cela, vous avez donc la liberté de choisir vos moyens pour exécuter le travail.
Cependant, vous réalisez qu’il ne vous sera pas possible de réaliser à la fois les images puis l’intégralité du montage dans les délais : vous pouvez alors décider de faire appel à un monteur / spécialiste d’édition vidéo pour lui offrir un contrat de travail, avec un mandat bien précis et déterminé, pour lui faire réaliser par exemple une partie du montage, ou lui confier une partie spécifique comme la synchronisation audio, l’intégration de textes ou l’étalonnage.
Cette collaboration de travail, même si elle est commandée et initiée par un travailleur autonome créant une offre de travail rémunérée, restera dans un cadre indépendant, et il n’y aura pas d’embauche de salarié au sens légal.
Ainsi, même s’il existera une certaine relation de travail dans laquelle l’autre indépendant sera redevable, en acceptant le contrat, de fournir le travail définit à une date définie, en contrepartie de recevoir un salaire brut, donc un montant qui n’est pas déduit d’impôt, la collaboration restera entre deux travailleurs ou travailleuses indépendants.
Il n’y aura pas d’embauche d’employé d’un point de vue légal, puisque la personne « recrutée » sera aussi indépendante, et non employée par un patron ou employeur lui imposant le lieu de travail, un horaire de travail, en lui proposant les outils de travail, ou encore lui donnant un salaire net en payant des cotisations salariales.
Encourager le réseautage d’indépendants : Dans certains domaines et certains milieux professionnels, les collaborations entre indépendants, donc entre travailleurs autonomes, favorisent des dynamiques d’emploi positives, basée non pas sur l’individualisme et la concurrence, mais sur le réseautage et les références pour s’échanger des contrats.
Ainsi, il peut être très productif et bénéfique pour tous les partis de collaborer régulièrement avec d’autres entrepreneurs indépendants, pour développer un réseau où on prendra l’habitude de faire appel aux services de tel ou tel autre indépendant, pour travailler sur des projets collectivement, et ouvrir plus d’opportunités professionnelles.
Avoir des employés : changer de statut d’entreprise
Si toutefois l’idée d’avoir un ou plusieurs employés à temps plein ou temps partiel semble correspondre à vos perspectives et votre modèle d’affaire, comme dans le cas d’une entreprise individuelle qui connaîtrait une forte croissance et expansion, il est alors possible d’envisager de changer de statut légal d’entreprise, pour une forme juridique permettant de recruter et payer du personnel.
Il arrive ainsi que certaines entreprises individuelles change du statut de travailleur autonome à celui d’entreprise incorporée, où la principale différence est que la personne individuelle est séparée de la personne morale qui représente l’entreprise, une structure financière légale permettant de payer des salaires.
En gros, il faut que l’entreprise devienne une entité juridique à part entière pour pouvoir envisager d’embaucher des employés, c’est-à-dire de les payer comme des salariés, en payant notamment les cotisations salariales.
Autres que l’incorporation, on peut aussi citer ici d’autres formes juridiques comme la société par actions ou la société en nom collectif.
Pour en savoir plus sur les alternatives au statut de travailleur autonome, consultez notre article sur le sujet ici.
Travailleur autonome : pas d’employé(s)
Ainsi, la réponse est non : un travailleur autonome, s’il a bien ce statut légal aux yeux de la loi tel que défini par Revenu Québec, ne peut pas avoir d’employé(s), car il est par définition indépendant et ne peut pas avoir de relation de subordination avec un client ou un partenaire.
Il est cependant possible d’envisager de recruter un autre indépendant pour sous-traiter ou déléguer certaines tâches dans un projet de travail indépendant, d’offrir des piges ou contrats de travail contractuels, mais ce ne sera pas un travail salarié, avec une relation d’employeur-employé.
La seule manière d’envisager une embauche d’employé(s) pour un indépendant est alors de changer de forme juridique d’entreprise pour que l’entreprise devienne une entité légale à part entière, permettant légalement d’employer d’autres personnes, comme l’incorporation ou la société par actions.
Pour aller plus loin :
- Le statut de travailleur autonome sur le site de Educaloi.ca : https://educaloi.qc.ca/capsules/le-statut-du-travailleur-autonome
- Notre article sur les alternatives au statut de travailleur autonome : https://travailleur-autonome.co/alternatives-travailleur-autonome/
- Notre article sur la définition du statut de travailleur autonome : https://travailleur-autonome.co/definition-travailleur-autonome/