Comment gérer sa fin de carrière quand on est travailleur autonome ?

Par Bruno Maniaci
retraite travailleur autonome fin de carrière

De plus en plus de travailleurs et travailleuses au Québec font le choix de l’indépendance et se lancent à leur compte : selon Statistique Canada, on en dénombrait près d’un demi-million en 2021.

Un choix de carrière avec plusieurs avantages, une certaine liberté qui attire de plus en plus de monde.

Cependant, le statut de travailleur autonome vient avec son lot de contraintes, le prix à payer pour les bons côtés d’être son propre patron.

Parmi ces points, on peut notamment mentionner la fin d’activité, et la retraite.

Contrairement aux employés salariés dont la fin de carrière est plus ou moins « tracée » et prévue à travers les cotisations salariales, les fonds de pension et REER facilement automatisés, les travailleurs autonomes doivent gérer eux-mêmes cette partie.

C’est donc une très bonne question à se poser si on se lance à son compte : comment gérer ma fin de carrière si je suis travailleur autonome ?

Quelles sont les solutions d’épargne, de pensions et de revenus pour un indépendant qui part à la retraite ?

Voici quelques conseils et idées à étudier dès maintenant, car si on n’y pense pas forcément à 20 ans ou 30 ans lorsqu’on est jeune entrepreneur(e), la réalité du travail autonome est bien dans l’anticipation.

Car ce n’est pas quelques années avant de se retirer de la vie économique que l’on pourra bien prévoir sa fin de carrière, mais en faisant une planification financière le plus tôt possible.

 

En résumé

Être travailleur autonome, c'est devoir gérer et planifier soi-même sa fin de carrière, mettre en place des solutions de placement et optimiser des régimes de retraite à travers différentes stratégies, mais toujours deux règles générales :

  • Commencer à épargner le plus tôt possible, ne pas attendre la fin de carrière
  • Diversifier son épargne pour ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier

 

Travailleur autonome : gestion autonome

Le premier aspect à évoquer et rappeler, c’est le caractère autonome des indépendants qui s’applique aussi dans la planification et gestion financière.

C’est au travailleur autonome de prévoir lui-même la manière dont il va se retirer de la vie active, le moment, et les moyens financiers utilisés.

Bien sûr, chaque situation sera différente, notamment lorsqu’on parle de travailleurs autonomes incorporés, dont la gestion financière et les possibilités seront différentes des travailleurs autonomes non incorporés.

Mais dans tous les cas, surtout lorsqu’on se lance jeune et que dans le feu de l’action, on ne pense pas du tout à ses vieux jours, il est facile d’oublier que l’on est seul responsable de sa fin de carrière, et donc de mettre en place un système et des moyens pour bien la gérer.

 

Épargne automatisée VS épargne planifiée

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Un salarié verra son revenu directement prélevé à la source par l’employeur pour plusieurs cotisations qui serviront en fin d’activité : les cotisations au RRQ, le Régime des Rentes du Québec qui fournira une pension de retraite, mais aussi les REER, Régimes d’épargne retraite, qui permettent de placer et épargner de l’argent à chaque paye, en vue de constituer un fond qui pourra être utilisé notamment pour la fin de carrière et la retraite.

C’est ainsi une épargne qui est automatisée lorsqu’on est salarié. Un travailleur autonome doit lui-même gérer cette épargne et la planifier, ce qui demande une certaine discipline et volonté.

Car encore une fois, surtout lorsqu’on débute son activité, il est facile « d’oublier » de mettre de côté, parce que contrairement à un salarié qui reçoit sa paye dans son compte en banque déjà prélevée des impôts et cotisations, un travailleur autonome reçoit la totalité, et peut la dépenser en oubliant de mettre de côté et prévoir.

Alors qu’il est essentiel pour son avenir de prévoir et mettre de côté : sur le court et moyen terme, on peut parler des impôts à payer, la TPS et la TVQ, sur le long terme de l’épargne et des cotisations pour anticiper la fin de carrière.

 

Travailleur autonome et RRQ

Le RRQ est un régime de retraite pour les travailleurs mis en place par Revenu Québec. À travers l’impôt sur le revenu, le travailleur cotise pour ce régime tout au long de sa carrière, et lorsqu’il met fin à sa carrière, il reçoit alors une pension, dont le montant est calculé selon différents paramètres.

Un travailleur autonome cotise automatiquement au RRQ lorsqu’il est imposé sur un revenu annuel, lorsque son chiffre d'affaires annuel dépasse 3 500 CAD ; ces cotisations sont payées à travers les acomptes provisionnels.

Cependant, la cotisation pour un travailleur autonome sera différente de celle d’un salarié, puisqu’il devra payer à la fois la part de l’employeur et celle de l’employé.

Arrivé en fin de carrière, un travailleur autonome pourra alors bénéficier d’une pension de retraite grâce au RRQ : le montant pourra varier selon l’âge –avant, à, ou après 65 ans – et bien évidemment selon le nombre d’années et les montants cotisés tout au long de la carrière.

Le montant de cette contribution s’élevait à 11,8% en 2021, avec un plafond de MGA, maximum des gains admissibles, à 61 600 CAD par an.

Déductions de revenus VS montant des cotisations RRQ

On doit évoquer ici un piège dans lequel il est facile de tomber lorsqu’on est travailleur autonome par rapport à cette cotisation RRQ.

Lorsqu’on devient son propre patron et qu’on doit payer des impôts sur son chiffre d'affaires, que l’on a réalisé à la sueur de son front, il est naturellement tentant de diminuer le plus possible son revenu imposable, pour avoir moins d’impôts à payer, bénéficier de déductions fiscales et de retours ou crédits d’impôts comme les RTI ou CTI.

Si cette logique fait du sens sur le court terme, elle est en réalité moins avantageuse sur le long terme, notamment par rapport aux cotisations RRQ.

Car si on réduit le montant de sa contribution au régime, le montant de la pension versée lorsqu’on prend sa retraite sera plus petit.

Et si la pension du RRQ ne représente pas un revenu complet de retraite, puisque son montant sera entre 25 et 33% du revenu actif cotisé, elle représente quand même un montant non négligeable et une certaine sécurité de revenu pour un indépendant qui cesse de travailler.

Dans une optique de mettre fin à sa carrière en s’assurant d’avoir un certain montant, il est alors préférable de maximiser ses cotisations au RRQ, et de le prendre en compte dans sa stratégie financière le plus tôt possible dans sa carrière.

Pour en savoir plus sur cette question, consultez notre article sur la contribution au RRQ pour les travailleurs autonomes.

 

Travailleur autonome et REER

Si le RRQ garantit un certain revenu lorsqu’on cesse de travailler à 65 ans, il reste plafonné et limité dans certains aspects : une partie importante du revenu disponible à la retraite peut alors venir des REER, les Régimes enregistrés d’épargne-retraite.

Là encore, les employés sont avantagés par rapport aux travailleurs autonomes puisque les employeurs leur permettent de cotiser facilement dans un REER en prélevant directement le salaire, donc en faisant automatiquement une mise de côté sur chaque paye.

Les travailleurs autonomes sont encore « livrés à eux-mêmes » sur cet aspect, avec un accès plus difficile à l’épargne car il est plus compliqué d’ouvrir un REER et cotiser, ce n’est pas automatique et géré par un employeur.

Cependant, avec un peu de planification, la mise en place d’un REER peut être une bonne stratégie d’anticipation de fin de carrière.

REER ou CELI pour un travailleur autonome ?

Comme chez les employés, le débat entre le CELI et le REER fait rage pour déterminer le placement le plus avantageux, avec le CELI bénéficiant de plus de liberté de mouvement, pour par exemple utiliser l’épargne à tout moment en cas de besoin, et le REER permettant des placements plus rentables, plus importants donc parfois plus adaptés à des gros revenus, et des solutions de financements pour des projets de retour aux études ou l’achat d’une première maison, et la réduction du revenu imposable.

La réalité est différente dans chaque situation de vie et de revenu, et dans chaque stratégie financière, mais si on parle d’une optique de long terme pour prévoir sa fin de carrière, le REER pourrait apparaître comme la meilleure solution, puisqu’il est notamment transformable en FERR, Fond Enregistré de Revenu de Retraite.

Consultez notre article REER ou CELI pour creuser un peu plus le débat entre les deux solutions de placement pour les travailleurs autonomes.

 

Autres solutions de revenus en fin de carrière

En dehors du RRQ garantit par Revenu Québec et de la mise en place d’un REER, qui reste une des solutions de placement les plus populaires, il existe d’autres solutions de revenus pour les travailleurs autonomes qui cessent leur activité.

RVER, Régime Volontaire d’épargne-retraite : c’est une alternative au REER qui peut être intéressante pour les travailleurs autonomes québécois, et spécialement en vue de prendre sa retraite, puisque contrairement au REER, ce placement ne peut pas être utilisé pour un investissement immobilier ou un projet d’études ; de plus, son taux de cotisation est calculé en fonction du revenu, et ses frais de gestions sont moins élevés qu’un REER.

CRI, Compte de Retraite Immobilisé : c’est une autre solution exclusivement dédiée à la retraite, qui pourra notamment intéresser des nouveaux travailleurs autonomes en transition de carrière, puisqu’elle permet de transférer des fonds accumulés précédemment à travers un emploi salarié, pour regrouper dans un seul placement son épargne en vue de la fin d’activité.

PSV, Pension Sécurité Vieillesse : le Canada offre aussi une pension pour les travailleurs canadiens, déterminée par le nombre d’années habitées au Canada à partir de l’âge de 18 ans ; appelée RPC en dehors du Québec, Régime de Pensions du Canada, cette aide reste d’un montant assez limité, et peut parfois être complétée par le SRG, Supplément de Revenu Garanti, pour les plus faibles revenus.

RPAC, Régime de Pension Agréé Collectif : cette solution de placement est offerte du côté du fédéral par l’Agence du Revenu du Canada, permettant spécifiquement aux travailleurs autonomes l’opportunité d’accéder à un placement de groupe dans un régime collectif, à travers les conditions et taux de cotisations qui sont fixés par l’institution financière fournissant le RPAC.

FERR, Fond enregistré de revenu de retraite : il permet de convertir automatiquement un placement comme un REER, un RVER ou un RPAC en une pension de retraite à partir de 55 ans ou plus ; il doit être préalablement enregistré auprès de l’ARC, et peut donc faire partie d’une stratégie prévoyant la cessation d’activité.

RRI, Régime de Retraite Individuel : ce régime de retraite s’adresse aux travailleurs autonomes qui sont incorporés et possède au moins 10% des actions de leur entreprise, qui parraine alors un régime de retraite pour ses actionnaires ; un des avantages de ce régime est de pouvoir calculer en avance le montant des prestations de retraite, un vrai plus pour élaborer une stratégie de fin de carrière.

Pour en savoir plus sur les différents placements de retraite pour un indépendant.

 

Revente d’une entreprise incorporée

Pour les travailleurs autonomes qui choisissent de s’incorporer, une solution de revenu supplémentaire en fin de carrière est celle de revendre l’entreprise à la fin de leur carrière.

Ce genre d’opération est difficile à anticiper, car beaucoup de paramètres influenceront le montant que peut représenter l’entreprise, de sa taille à son statut en passant par son chiffre d'affaires, mais aussi le type d’activité et les fluctuations du marché dans le domaine professionnel concerné.

Même si cette option implique aussi des négociations et n’est pas une garantie d’un montant précis, c’est une optique que l’on peut envisager une fois que l’activité et l’entreprise sont bien établies, pour prévoir une fin de carrière en revendant son entreprise.

Cependant, il ne faut pas tout miser sur cette option, car les fluctuations et variations du marché économique peuvent être imprévisibles, il est impossible de prévoir le prix de revente des années à l’avance.

 

Importance d’avoir une assurance-vie

Une autre réalité qui entre en compte pour les travailleurs autonomes québécois lorsqu’on prévoit la fin de son activité professionnelle, c’est celle d’une fin prématurée et imprévue.

Dans l’éventualité d’un accident ou d’une maladie grave qui mettrait fin de manière soudaine à la carrière d’un travailleur autonome, celui-ci ne bénéficiera pas des avantages sociaux d’un employé pour avoir par exemple un remplacement de revenu.

C’est pourquoi l’assurance vie représente un filet de sécurité nécessaire pour les indépendants, car en cas d’imprévu grave entrainant une invalidité, une assurance pourra non seulement permettre d’avoir un remplacement de revenu, mais aussi de couvrir les éventuels crédits en cours, ainsi que d’indemniser et protéger les enfants en cas de décès.

La question de la couverture en cas d’imprévu est alors primordiale. Consultez cet article pour en savoir plus sur les questions d’assurance et couverture maladie pour les travailleurs autonomes au Québec.

 

L’absolue nécessité de mettre de côté pour les indépendants, et de varier les placements

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Malgré la diversité des solutions et stratégies financières, notamment les différentes manières de s’assurer un ou plusieurs revenus de retraite, il ressort toujours un conseil général pour les travailleurs et travailleuses autonomes au Québec : anticiper, prévoir, planifier, et mettre de l’argent de côté le plus tôt possible, peu importe la manière.

Épargner est une nécessité pour les travailleurs indépendants, à petite ou grande échelle, à court et moyen terme, et encore plus à long terme lorsqu’on parle de retraite et de fin de carrière.

Mais la diversité des placements est aussi une clé pour une épargne réussie et optimisée, surtout contre les fluctuations imprévisibles du marché financier.

Pour résumer, voici les deux règles d’or pour anticiper sa fin de carrière :

  • Commencer à mettre de côté le plus tôt possible dans sa carrière en mettant en place des stratégies d’épargne
  • Ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier en diversifiant ses placements et solutions de régime de retraite

Selon la situation financière de l’entreprise et les revenus générés, le passage en incorporation peut parfois s’avérer avantageux pour mettre en place certaines stratégies de fin de carrière, même si cela demandera une gestion plus compliquée et couteuse.

Ce n’est donc dans les dernières années avant de quitter le marché du travail qu’il faut mettre en place une stratégie, mais dès le début de sa carrière d’indépendant.

Réduire ses heures de travail : Certains travailleurs autonome choisiront parfois de progressivement réduire leur activité professionnelle en fin de carrière, en travaillant à temps partiel plutôt qu’à temps plein, pour par exemple mieux concilier vie professionnelle et vie familiale à l’approche des vieux jours : seule une épargne solidement constituée à l’avance pourra permettre ce genre de stratégie.

Une consultation avec un planificateur financier peut être particulièrement utile pour les travailleurs autonomes, pour arriver à y voir plus clair et étudier en détails les différentes solutions pour anticiper au mieux sa fin de carrière et sa retraite.

 

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