Être ou devenir travailleur autonome au Québec soulève plusieurs questionnements, notamment sur les conditions de travail et certaines garanties dont bénéficient les salariés, comme à travers la CNESST, la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail.
On est en droit de se demander ainsi quelles sont les normes du travail qui peuvent s’appliquer au statut de travailleur autonome?
Est-ce que le code canadien du travail s’applique automatiquement à tout travailleur au Canada?
Est-ce que le code civil du Québec peut protéger un entrepreneur indépendant?
Qu’en est-il de la loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles?
Nous allons voir qu’un des prix à payer pour l’indépendance du travail, c'est une moins bonne protection des conditions de travail, même si certaines exceptions ou protections supplémentaires peuvent être envisageables.
Car la réalité d’être à son propre compte, c’est souvent d’assurer sa propre protection, la gestion de ses propres conditions de travail, et parfois devoir volontairement mettre de côté ou cotiser auprès d’organismes pour s’assurer certaines protections supplémentaires sur une base volontaire.
L’importance de la définition du statut
La question de bien définir le statut de travailleur autonome revient fréquemment, mais elle est très importante, car elle peut justement jouer un rôle crucial par rapport à l’application de la loi relative aux normes du travail et certaines protections en cas d’incident.
En effet, il peut arriver que malgré une certaine configuration de travail, un travailleur soit en fait considéré comme un employé par certains organismes relatifs aux normes du travail.
Par exemple, notamment en tant de pandémie, un travailleur peut avoir un contrat de travail à temps partiel, pouvoir choisir son lieu de travail et ses moyens de travail en restant à distance, un peu comme un freelance, mais garder un lien de dépendance et donc un lien de subordination à un employeur, ce qui ne lui donne pas le statut de travailleur autonome aux yeux de la loi.
Pour déterminer le statut, la CNESST regarde plusieurs critères, ceux qui, aux yeux de la loi et de Revenu Québec particulièrement, définissent le statut de travailleur automne, comme la rémunération, le lien de subordination au client, la propriété des outils et des équipements, la possibilité de profit et les risques de pertes financières, ainsi que l’intégration ou non dans l’entreprise.
Vous pouvez consulter cette page du site de la CNESST pour la détermination du statut.
La CNESST pour les salariés
Grâce aux charges et cotisations salariales déjà prélevées dans leur paye, et souvent via une convention collective de travail, les salariés bénéficient de plusieurs avantages sociaux comme les jours fériés, les congés de maternité ou congés de maladie, ou encore la protection sur les normes du travail comme la garantie d’un salaire minimum ou d’un taux de salaire compétitif, ou correspondant à des classifications d’emploi d’ordre public, ou l’assurance-emploi pour garantir un revenu en cas de mise à pied par exemple.
La loi sur les normes du travail peut aussi protéger les travailleurs et travailleuses au Québec en cas de congédiement par l’employeur, avec l’obligation d’un avis de cessation d’emploi émis suffisamment à l’avance par l’employeur.
Les normes du travail peuvent aussi garantir un certain nombre d’heures de travail pour obliger un employeur à payer les heures supplémentaires, ou garantir un horaire de travail décent, ce qui n’est pas le cas d’un pigiste ou d’un freelance qui décidera et gérera lui-même ses heures, au risque de pas les compter parfois…
Un travailleur autonome, en étant son propre patron et en payant lui-même la part de l’employeur et de l’employé lorsqu’il s’agit des cotisations salariales, ne bénéficie pas d’une couverture par un donneur d’ouvrage ou un employeur, et n’est pas considéré comme un travailleur ou une travailleuse par la CNESST.
Les exceptions et situations particulières
Dans certaines situations particulières, il peut arriver qu’un travailleur autonome soit en fait considéré comme un employé aux yeux de la CNESST et, soit ainsi protégé par la loi sur les normes du travail, même s’il est considéré comme travailleur autonome par d’autres organismes.
Contrat d’entreprise : un travailleur autonome qui est lié à son client, donc son donneur d’ouvrage, par un contrat d’entreprise, peut être considéré comme un travailleur par la CNESST, et ainsi bénéficier de certaines protections comme la loi sur l’équité salariale et être couvert par l’employeur en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle.
Pas d’employé, activité similaire au donneur d’ouvrage : un travailleur autonome qui n’emploie personne à son service, et qui exerce une activité semblable ou connexe à la personne qui l’emploie (administration d’une entreprise, production ou distribution de bien, prestations de services) peut être considéré comme un travailleur par la CNESST.
Chauffeurs de taxi et transports : la CNESST peut considérer certains professionnels de l’industrie du transport de personne par automobile comme des travailleurs, notamment depuis un changement de loi en octobre 2020 pouvant modifier le statut de certains chauffeurs et chauffeuses, même s’ils sont déclarés comme travailleurs autonomes. Plus d’informations ici.
Ainsi, la LAMTP, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, peut parfois protéger le travailleur autonome en le considérant comme un employé ou un travailleur.
À l’inverse, la CNESST ne considèrera pas un travailleur autonome comme travailleur, et donc ne le protégera pas, s’il exerce son activité :
- Pour plusieurs clients ou personnes en même temps
- Pour plusieurs clients ou personnes à court terme (moins de 420 heures par année)
- Pour un client de manière très occasionnelle, sporadique
- Pour un autre travailleur autonome (échange de service)
Consultez cette page du site de la CNESST pour en savoir plus.
La protection personnelle volontaire
Dans certains cas admissibles, la CNESST offre un programme de protection personnelle pour les travailleurs autonomes, permettant de pouvoir bénéficier d’une indemnisation financière dans le cas d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Cette protection personnelle n'est pas obligatoire, elle est basée sur une inscription volontaire du travailleur.
Pour s’inscrire, le travailleur autonome doit remplir un formulaire en s’inscrivant volontairement à la CNESST, pouvant demander un montant de protection entre 28 200 CAD et 88 000 CAD.
Plusieurs pièces et preuves relatives aux capacités de paiement sont nécessaires à l’inscription, comme le Relevé 1 de Revenu Québec, le feuillet T4 de l’ARC, l’Agence du Revenu du Canada, les états financiers de l’entreprise ou tout autre document comptable pertinent.
Pour plus de renseignement, consultez le site de la CNESST.
Normes du travail : une question ambiguë pour les indépendants québécois
Comme nous avons pu le voir, la LNT, Loi sur les Normes du Travail, ne s’applique pas au travail autonome en règle générale, même s’il existe certaines exceptions au niveau de la CNESST.
Ce seront principalement des critères relatifs au milieu de travail, aux relations de travail avec le ou les donneurs d’ouvrage, et parfois à la fréquence des travaux, du temps plein ou temps partiel ou même occasionnel, qui pourront changer la donne aux yeux de la CNESST et d’une éventuelle protection.
Cependant, même en dehors de ces exceptions, il existe plusieurs solutions pour les indépendants lorsqu’il est question de protection sociale, même si ces protections ne pourront pas toujours garantir l’équité salariale ou certaines conditions de travail comme les employés.
On peut ainsi mentionner la protection personnelle non obligatoire de la CNESST, basée sur une inscription volontaire selon mes critères d’admissibilité, un peu au même titre que le programme de l’assurance-emploi pour les travailleurs autonomes, permettant d’accéder à certaines prestations comme le congé parental.
Comme souvent dans le milieu du travail autonome, il en revient au travailleur lui-même d’organiser, planifier et prévoir ses activités professionnelles de manière à s’assurer ses propres conditions de travail.
Pour continuer dans ce thème, vous pouvez lire notre article sur les protections sociales et le travail autonome.