Quelles protections sociales ne s’appliquent pas au travailleur autonome ?

Par Bruno Maniaci
Protection Social

S’il est un des prix à payer pour la liberté et l’indépendance du statut de travailleur autonome, c’est notamment la question de la protection sociale.

Car plusieurs services sociaux et services de santé public ne s’appliquent pas au travail autonome, et concernent le travail salarié.

Vous vous êtes sûrement posé la question si vous faîtes partie ou que vous êtes sur le point de rejoindre les 600 000 indépendants du Québec : quelle protection en cas d’accident ou de maladie?

En cas d’hospitalisation ou maladie grave, et d’arrêt de travail prolongé? Comme pallier au manque de revenu? Quelle assurance maladie? Assurances privées? Que font la CNESST, la RAMQ, l’Assurance Emploi pour les travailleurs autonomes? Quelle protection personnelle? Quels critères d’admissibilités pour le programme de l’assurance-emploi? Quelle aide financière possible pour une travailleuse autonome voulant prendre un congé de maternité?

Nous verrons que les travailleurs indépendants doivent aussi l’être dans la protection sociale, même s’il existe plusieurs solutions du côté des régimes publics comme privés.

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La loi sur les normes du travail et protection CNESST

Les travailleurs et salariés du Québec sont protégés par la loi sur les normes du travail, comme le code de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP), la loi sur l’équité salariale, et la santé et sécurité au travail.

Des normes régies par la CNESST, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail, un organisme du ministère du travail créé en 2016 avec la fusion de la CSST et la CNT.

Mais comme on peut le lire dans l’article 9 : « La présente loi ne s’applique pas à un travailleur autonome, à savoir une personne physique qui fait affaires pour son propre compte, seule ou en société, et qui n’a pas de salarié à son emploi ».

Ainsi, à cause du statut d’emploi, les indépendants ne peuvent donc pas bénéficier légalement de ces protections relatives aux normes du travail et aux conditions de travail.

Cependant il existe quelques nuances et possibilités.

Travailleur autonome considéré comme travailleur : dans certaines conditions, notamment par rapport au contrat de travail ou au donneur d’ouvrage qui embauche la personne, la CNESST dissocie parfois le travailleur physique du travailleur autonome, le statut du travailleur lui permettant alors de bénéficier de la protection en cas d’accident ou de maladie professionnelle.

Si elle protège alors aussi sur l’équité salariale, la CNESST ne permettra cependant pas au travailleur autonome d’être couvert par des droits de congés payés, vacances ou maladies.

Demande de protection personnelle pour travailleur autonome : il est possible pour un travailleur autonome de faire une demande de protection personnelle auprès de la CNESST.

Au même titre qu’une assurance, cette protection sera prélevée sous forme de prime, calculée par tranches de revenu et certains barèmes selon les professions, avec par exemple un taux de 1,51 CAD à payer par tranche de 100 CAD de salaire, avec un salaire minimum assurable de 27 400 CAD en 2020.

Pour en savoir plus sur la CNESST et les travailleurs autonomes, consultez cette page.

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RAMQ : Régime d’Assurance Maladie du Québec

Les travailleurs autonomes sont couverts comme tous les citoyens et résidents permanents canadiens par le régime de base de l’assurance maladie, c’est-à-dire pour les soins dits « essentiels », en cas d’urgence ou même d’hospitalisation.

Pour les médicaments, s’il n’est pas membre d’une assurance privée, comme par l’entremise d’un conjoint par exemple, le travailleur autonome devra s’inscrire au Régime Public d’Assurance Médicaments pour pouvoir s’assurer la protection de base à ce niveau.

Cependant, les travailleurs autonomes ne pourront pas prétendre à certaines prestations de la RAMQ comme l’assurance invalidité en cas de blessure grave ou certains programmes d’aide et compensation financière.

 

Assurance-emploi : un régime pour les travailleurs autonomes

Les travailleurs autonomes ne sont pas admissibles au chômage comme les employés réguliers, et ne peuvent pas bénéficier des prestations régulières en cas d’une perte d’emploi par exemple, ou encore d’une compensation de revenu en cas de congé maladie prolongé.

C’est là le prix à payer la liberté et flexibilité du statut pour les congés, que ce soit des congés de loisir mais aussi malheureusement pour des congés maladie : le travailleur autonome est à son compte, et les journées non travaillées et pertes de revenus occasionnées par un congé maladie seront à sa charge.

Cependant, il existe au Canada un programme de l’assurance-emploi pour les travailleurs autonomes, avec plusieurs critères d’admissibilité comme un salaire minimum pour cotiser et une durée de cotisation minimum.

Il permet notamment de bénéficier de prestations parentales pour des congés maternité ou paternité, des prestations de compassion et d’aide pour des proches aidants, et des prestations de maladie lorsque le nombre d’heures de travail est réduit.

Pour pouvoir en bénéficier, il faut s’inscrire volontairement à ce régime et cotiser pour un minimum de 12 mois, avec un revenu annuel minimum fixé à 7 555 CAD en 2021, et avoir réduit au moins 40% du temps consacré à l’activité professionnelle indépendante.

Cependant, les prestations sont limitées à 15 semaines pour la période, 55% du revenu et un maximum de 595 CAD par semaine.

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Prestations d’aide sociale du Québec

Même s’ils ne sont pas admissibles à tous les programmes, les travailleurs autonomes peuvent, notamment par leurs cotisations et le paiement de leurs taxes à Revenu Québec peuvent bénéficier de certaines prestations.

La différence avec un salarié, c’est souvent que ces cotisations se font donc à travers la déclaration de revenu et donc du chiffre d’affaire, et que plusieurs prestations ont une base volontaire : le travailleur doit s’inscrire lui-même à certains programmes.

Les cotisations sont aussi souvent plus élevées puisque le travailleur autonome doit payer la part de l’employeur et la part de l’employé, contrairement à un travailleur salarié dont la part est déjà prélevée par l’employeur dans le salaire brut.

Par exemple, le taux de cotisation RQAP pour un employé est de 0,494 %, contre 0,878% pour un travailleur autonome.

Assurance parentale et RQAP : il est possible pour les travailleurs autonomes de bénéficier d’un congé parental grâce au Régime Québécois d’Assurance Parentale, même si les conditions et montants sont limités, avec un salaire maximum assurable et un montant maximum de prestations.

Régime de retraite et RRQ : Grâce au Régime de Rentes du Québec, qui est aussi cotisé à travers l’impôt auprès de Revenu Québec, un travailleur autonome pourrait bénéficier d’un complément de revenu à la retraite.

 

Cotiser pour une couverture sociale

Pour bénéficier d’avantages sociaux et d’une couverture sociale, les travailleurs salariés canadiens et québécois sont prélevés directement sur leur salaire, à travers les charges sociales.

C’est une des différences entre le statut de salarié et le statut et celui d’indépendant.

Ils bénéficient ainsi de plusieurs droits et protections, comme les congés payés, les congés maladie, pouvant bénéficier d’un revenu de compensation en cas d’arrêt forcé du travail dû à des raisons de santé, ce qui est très précieux au Canada et en Amérique du Nord.

La plupart des salariés d’une entreprise cotisent à un régime d’assurance collective qui leur permet de bénéficier d’une précieuse couverture supplémentaire, pour par exemple bénéficier de meilleurs couvertures médicaments, d’avoir un plus grand pourcentage de soins dentaires remboursés, ou encore de pouvoir consulter un psychothérapeute.

Les travailleurs autonomes touchent un revenu brut qui n’est pas prélevé, et ils ne cotisent donc pas à certains régimes publics ou à des assurances collectives leur donnant droit à ces avantages sociaux.

Cas de travailleurs autonomes cotisants : Certaines situations peuvent permettre à des travailleurs autonomes de cotiser à des régimes d’assurances collectives, comme à travers un conjoint bénéficiant d’une assurance, ou dans le cas de certains ordres et regroupements de professionnels donnant droit à des prestations via des cotisations.

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Les assurances privées

Un travailleur salarié bénéficie souvent d’une convention collective d’entreprise et d’assurances lui permettant une couverture complémentaire et plus complète que celle de base de la RAMQ.

Pour atteindre une protection similaire, un travailleur autonome devra payer une assurance privée.

Même si les primes d’assurance sont parfois élevées, s’assurer avec une compagnie privée reste unes des meilleures solutions pour les travailleurs indépendants qui préfèrent prévenir que guérir.

Si on pense à des travailleurs autonomes ayant un local commercial, des biens professionnels importants, des assurances, loyers et hypothèques impliqués dans leurs frais d’entreprise, il est important de bien se protéger en cas de problème, car les conséquences financières peuvent être beaucoup plus graves en cas d’un accident causant une invalidité permanente, ou même partielle.

Une assurance invalidité ou assurance salaire permettra de protéger de 60 ou 85% du total du revenu annuel de travail perdu suite à un accident ou une maladie grave provoquant une absence à long terme, et donc une perte de l’autonomie.

Certaines assurances prévoient aussi la perte partielle, comme par exemple le fait de ne pouvoir travailler qu’à temps partiel suite à un accident ou une maladie, et combler le manque de revenu d’un travail à temps plein.

Une assurance vie, souvent élevée, permettra de protéger la famille ou les ayants droits du travailleur autonome en cas de décès, pour éviter par exemple le problème d’une dette liée à une hypothèque.

Enfin, une assurance santé complémentaire permettra de couvrir beaucoup plus les frais médicaux généraux, en plus de la couverture de base de la RAMQ.

Toutes ces différentes assurances peuvent être trouvées à travers différentes compagnies, plusieurs se spécialisant maintenant dans les travailleurs indépendants et offrant des contrats adaptés.

 

La prévoyance avant tout pour les indépendants

Peu importe la stratégie et la situation du travailleur autonome québécois, la prévoyance est de mise, comme souvent d’avoir un coussin financier pour prévoir une dépense de santé imprévue ou un arrêt de travail.

Car comme nous l’avons vu, plusieurs prestations sociales publiques ne sont pas disponibles pour les indépendants, et certains programmes d’aides du gouvernement sont possibles mais ils sont souvent limités dans le temps et en argent, et les assurances privées peuvent coûter cher.

Ainsi, considérant que plusieurs protections sociales ne s’appliquent pas au statut de travailleur autonome, mais que plusieurs programmes et prestations sont quand même accessibles, il est conseiller de prévoir une stratégie pour maximiser sa protection, en jouant parfois avec les différentes cotisations, et en complétant avec des assurances privées dans certains cas.

La situation ne sera pas la même pour un jeune travailleur autonome vivant en location et un parent avec des enfants et une maison, des hypothèques, ou encore pour un travailleur autonome ayant la chance d’avoir accès à une assurance collective par l’intermédiaire d’un conjoint.

Consulter un planificateur financier ou un conseiller spécialisé dans les indépendants peut-être d’une aide précieuse pour choisir la meilleure stratégie et avoir l’esprit tranquille d’être adéquatement assuré et protégé en cas d’imprévu.

Pour approfondir la question, vous pouvez lire notre article sur les couvertures sociales possibles pour le travailleur autonome.

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