Vous faites partie, ou bientôt, des 600 000 travailleurs et travailleuses autonomes au Québec ? Mais vous avez aussi des projets d’agrandir la famille bientôt, une naissance ou une adoption en vue ?
Alors vous vous posez certainement cette question : quelle couverture puis-je avoir pour prendre un congé de maternité, de paternité ou encore un congé parental, en tant que travailleur indépendant ?
Sans les avantages sociaux d’un salarié, la question se pose pour les futurs parents qui ont leur entreprise individuelle.
Et bien heureusement, il existe des options d’assurance parentale au Québec grâce au RQAP.
Pour faire court, des prestations calculées sur le revenu de l’année précédente, à condition d’avoir cotisé et fait un revenu minimum de 2 000 CAD dans la période de référence.
Mais c’est plus subtil et complexe dans le concret. Essayons de voir plus en détails les différentes options des congés parentaux pour les travailleurs autonomes.
Le Régime Québécois d’Assurance Parentale : c’est quoi ?
Tous les travailleurs et travailleuses du Québec cotisent lors de leurs impôts au RQAP, y compris les travailleurs autonomes.
C’est un régime du gouvernement du Québec qui existe depuis 2006. Il permet de prendre un congé parental, congé de maternité, paternité ou encore un congé d’adoption.
Il a été mis en place pour offrir aux travailleurs et travailleuses des prestations de maternité, les prestations parentales et les prestations d’adoption, lesquelles étaient auparavant proposées par le régime fédéral d’assurance-emploi du Canada.
Le RQAP est un donc un régime de remplacement du revenu familial destiné aux parents qui cotisent.
Pour être admissible, un revenu de travail dit « assurable » est requis, c’est-à-dire un revenu à travers lequel on a cotisé.
Y compris un revenu de travail autonome, puisque c’est un revenu provenant de l’activité d’une entreprise.
C’est donc possible pour les futurs parents qui sont travailleurs indépendants : on peut être admissible à cette assurance parentale avec le statut de travailleur autonome. Selon plusieurs conditions d’admissibilité que nous allons voir.
Comment un travailleur autonome est admissible aux prestations du RQAP ?
Travail autonome et RQAP, c’est donc possible.
Plusieurs critères vont déterminer l’admissibilité d’un travailleur autonome aux prestations d’assurance parentale, comme la réduction du temps de travail en raison de la naissance ou de l’adoption d’un enfant, les dates de demandes de prestations, ou encore le fait d’avoir un revenu assurable qui peut être considéré sur la période de référence prise en compte.
Voici en détail les conditions requises pour être admissible, telles qu’affichées sur le site de la RQAP :
- Être résident du Québec à la date de début de votre période de prestations ainsi qu’au 31 décembre de l’année civile précédant la date de début de votre période de prestations;
- Avoir cessé vos activités d’entreprise ou avoir réduit d’au moins 40 % le temps consacré à vos activités d’entreprise. Si vous êtes une personne qui reçoit une rétribution à titre de ressource de type familial ou de ressource intermédiaire, vous êtes réputé ou réputée avoir réduit d’au moins 40 % le temps consacré à ce type d’activité;
- Avoir un revenu assurable (revenu considéré dans le calcul du montant des prestations) d’au moins 2 000 CAD au cours de la période de référence;
- Avoir payé ou devoir payer une cotisation au RQAP au cours de la période de référence;
On peut souligner ici dans les critères principaux la réduction du temps de travail d’au moins 40% due à la naissance ou l’adoption d’un enfant, ainsi que la notion de revenu assurable sur une période de référence à déterminer, en fonction du montant gagné par le travailleur autonome.
Pour résumer, il faut idéalement avoir cotisé pendant une ou deux années antérieures, donc payé suffisamment d’impôts comme travailleur autonome sur la période de référence, avec un minimum de 2 000 CAD de revenu.
Cependant, nous verrons plus tard qu’il est aussi possible, pour les nouveaux travailleurs autonomes, d’être admissible grâce à un revenu précédent d’employé ou salarié.
Comment les travailleurs autonomes cotisent au RQAP ?
Les travailleurs autonomes cotisent automatiquement au RQAP lorsqu’ils payent leurs impôts.
Après avoir fait la déclaration de revenus, un pourcentage de l’impôt à payer, le cas échéant, servira à payer la cotisation au RQAP.
Cette cotisation sera payée soit à travers l’impôt régulier, soit à travers les acomptes provisionnels, un versement trimestriel servant à cotiser notamment au Régime de Rentes du Québec (RRQ), et aussi au RQAP.
RQAP et Acomptes provisionnels : Un travailleur autonome paye des acomptes provisionnels lorsque son impôt net à payer dépasse 1 800 CAD pour l’année courant ou une des deux années précédentes. Plus de détails sur le site de Revenu Québec ici.
En 2021, le taux de cotisation était de 0,878%, le montant maximum de cotisation s’élevait à 733,12 CAD, et le revenu maximal assurable pour l’année 2021, donc qui peut être pris en compte pour le montant des prestations, était de 83 500 CAD.
Ces montants sont sujet à une mise à jour chaque année par la CNESST. Ainsi, sur la base de la proportionnalité et des pourcentages accordés pour les prestations, plus votre salaire sera élevé sur la période prise en compte, plus votre prestation hebdomadaire le sera, mais cependant avec un montant maximum.
Cotiser même si je n’ai pas besoin du RQAP ? Vous vous posez peut-être la question : suis-je obligé de cotiser pour les prestations du RQAP même si je n’en ai pas vraiment besoin, que je n’envisage pas ou plus de projet familial ?
La réponse est oui. Comme beaucoup d’impôts, cette cotisation est prélevée automatiquement sur tous les revenus de travail, sur la base du principe de contribution collective des membres d’une société permettant de financer des prestations sociales.
Comme le fait de cotiser au régime d’assurance-maladie ou d’assurance-chômage, même si on ne tombera pas forcément malade ou qu’on ne perdra pas forcément son emploi.
Peut-on être admissible si on vient juste de devenir travailleur autonome ?
La question se pose pour les nouveaux ou futurs travailleurs autonomes. Vous venez tout juste de démarrer votre activité de travailleur autonome mais votre projet de famille s’en vient, et vous n’avez donc pas de revenu de travail autonome assurable sur l’année précédente ou en cours ?
Vous pouvez quand même être admissible aux prestations du RQAP si vous aviez un revenu de salarié assurable précédemment.
En fait, le RQAP permet également à ceux et celles qui cumulent un emploi salarié et un travail autonome de pouvoir être admissible à l’assurance parentale.
Les démarches seront un peu plus compliquées à cause du changement de situation et revenu impliqué.
Le principe de calcul des cotisations et de vos droits au RQAP se base sur votre revenu net d’entreprise (profit ou perte) et votre revenu d'emploi (salaire) de l’année précédente ou en cours selon le cas.
Si vous n’aviez pas de revenus jugés assurables sur l’année précédente, la période de référence peut alors remonter jusqu’à deux années précédent votre année de demande de prestations.
Donc si par exemple vous êtes devenu travailleur autonome au cours de l’année 2020 et que vous demandez à recevoir des prestations après le 1er janvier ou pendant cette année, les revenus assurables considérés seront ceux de l’année 2020, peu importe salarié ou indépendant, puisque tous les revenus de travail sont sujet à l’impôt, donc la cotisation pour le RQAP.
Si vous demandez une prestation commençant en 2021, c’est encore les revenus de l’année précédente qui seront considérés.
Pour déterminer votre situation et mieux comprendre quel revenu est considéré selon le début de votre activité et le début des prestations que vous souhaitez, rendez-vous sur la FAQ du site du RQAP, section Travailleurs Autonomes.
Comment et quand faire une demande de prestations parentales ?
La famille s’agrandit bientôt ? Pour faire votre demande de RQAP, vous devez d’abord déterminer la date à laquelle vous voulez que démarre les prestations, et vous pouvez ensuite faire la demande la semaine même ou commence votre congé.
Naissance : La date de début des prestations dépend de la situation. Pour un congé de maternité dans le cas d’une grossesse ou d’une naissance, vous pouvez choisir de faire débuter le versement des prestations au plus tôt 16 semaines avant la date d’accouchement prévue.
Pour un congé de paternité ou parental, les prestations débuteront au plus tôt la semaine de naissance de l’enfant.
Adoption : Dans le cas d’une adoption, les prestations peuvent commencer la semaine de l’arrivée de l’enfant. Si c’est une adoption hors-Québec, alors vous pourriez demander des prestations jusqu’à 5 semaines avant l’arrivée de l’enfant.
Pour plus de détails sur les dates et savoir quand faire votre demande, rendez-vous sur cette page du site du RQAP.
Pour faire une demande, il vous suffit de créer et soumettre un dossier en ligne en fournissant vos renseignements personnels, des renseignements sur la naissance ou l’adoption de l’enfant, et bien évidemment les renseignements sur vos revenus, préférablement des deux années précédentes, car les revenus considérés assurables peuvent parfois concerner les deux années antérieures à la demande. Rendez-vous ici pour faire une demande.
Durée des congés parentaux et montant des prestations du RQAP
Deux types de régimes différents sont offerts par la RQAP, ainsi que trois types de prestations différentes, avec des variations au niveau du nombre de semaines de prestation et de leur montant, qui sera un pourcentage du salaire, ici le revenu de travail autonome.
Le régime de base : Un maximum de 50 semaines de prestations, qui sont réparties ainsi : 18 semaines pour le congé de maternité (pour la mère seulement), 32 semaines de congé parental (divisible entre la mère et le père).
Le père peut aussi demander un congé de 5 semaines. Pour le montant des prestations il s’élève à 70% du salaire pour les 30 premières semaines, et 55% pour le reste du congé.
Le régime particulier : Un maximum de 40 semaines au total, réparties ainsi : 15 semaines pour les mères, 3 semaines pour les pères, et 25 semaines de congé parental pour les deux.
Le régime particulier consiste donc en une durée réduite des congés, mais en contrepartie un revenu plus élevé : 75% du salaire, et ce pour la durée totale du congé.
Simulateur de prestations RQAP : Comment calculer le montant de prestations parentales et la durée du congé auquel vous pourriez être admissible en tant que travailleur autonome ?
Le site www.rqap.gouv.qc.ca propose un simulateur de calcul de prestations en ligne ici qui vous donnera une estimation du revenu hebdomadaire et du nombre de semaines maximal de prestations auquel vous pourriez avoir droit.
Penchons-nous maintenant sur les différents types de prestations, et la différence entre le régime de base et le régime particulier proposé par le RQAP :
1 – le congé de maternité : C’est la prestation parentale réservée aux mères biologiques exclusivement.
Dans le régime de base, elle est de 70% du salaire admissible pour le revenu hebdomadaire, avec un maximum de 18 semaines de congé. Avec le régime particulier, on descend à 15 semaines mais on monte à 75% du salaire.
2 – le congé de paternité : Une prestation exclusivement réservée au papas biologiques qui peut être demandée la semaine de la naissance de l’enfant.
Le maximum est de 5 semaines avec 70% du salaire admissible en revenu hebdomadaire pour le régime de base, ou 3 semaines avec 75% du salaire admissible pris en compte avec le régime particulier.
3 – le congé parental : Réservé aux deux parents qui peuvent se le partager, cette prestation est la plus intéressante en terme de durée du congé puisqu’elle totalise 32 semaines pour le régime de base, et 25 semaines pour le régime particulier.
Etre travailleur autonome et adopter un enfant : quelles prestations ?
Vous prévoyez d’agrandir la famille en adoptant un enfant ? Le RQAP permet également des prestations d’adoption.
Pour le revenu hebdomadaire, c’est le même principe : le régime de base vous donnera droit à 70% du revenu, et le régime particulier à 75% avec une durée de congé réduite.
Pour ces prestations, il n’y a pas de congé exclusif à la mère ou au père, mais deux options : soit les prestations sont accordées aux deux parents en même temps et partageables, soit elles sont non partageables et accordées séparément à chaque parent.
Pour le détail des prestations et durées, rendez-vous sur le tableau du site du RQAP ici.
Peut-on continuer à travailler pendant qu’on reçoit des prestations du RQAP ?
On peut se demander maintenant s’il est possible d’augmenter ce revenu hebdomadaire en continuant à travailler, non pas à temps plein mais à vos heures.
Supposons que vous êtes en congé parental, vous recevez un revenu hebdomadaire du RQAP, mais on vous offre un petit contrat que vous seriez capable de prendre en travaillant à temps partiel depuis la maison ?
Faire quelques heures de travail par semaine ? Un bonus qui serait le bienvenu pour votre projet de famille…Est-ce possible ?
Oui, avec une certaine limite : vous ne pouvez pas gagner plus que 25% de votre revenu hebdomadaire du RQAP.
Par exemple, si vous recevez 600 CAD par semaine du RQAP, vous êtes autorisé à gagner 150 CAD par semaine.
Si vous gagnez plus, votre prestation RQAP sera réduite. Dans ce même exemple, si vous gagnez 300 CAD de revenu supplémentaire par semaine, votre prestation RQAP sera réduite de 150 CAD, pour rester dans la limite des 25% supplémentaires autorisés, donc 150 CAD.
Vous devez bien évidemment déclarer ces revenus que vous gagnez.
Ajuster ses demandes en fonction des revenus pour garder des semaines : Il faut garder en tête que les demandes de prestations RQAP sont modifiables, et déplaçables.
Plutôt que de voir ses prestations réduites ou coupées, vous pourriez prendre les devants en anticipant une période de travail à temps partiel.
Par exemple, si vous savez que vous avez un contrat de deux semaines que vous pourriez prendre sur une période de prestations, vous pourriez ne pas faire de demande de prestation RQAP sur ces 2 semaines et ainsi les reporter.
Pour les mamans travailleuses autonomes, cela peut-être une bonne manière de reprendre progressivement l’activité, en espaçant les prestations, dans la période autorisée par le RQAP.
Pour le congé de maternité par exemple, les semaines demandées ne peuvent pas aller au-delà de 52 semaines après l’accouchement.
Vers une augmentation du revenu hebdomadaire et plus de flexibilité ?
Mais peut-on gagner un peu plus et prendre plus de temps pour prendre soin d’un nouvel enfant ?
En Mars 2020, le gouvernement a déposé un projet de loi visant à améliorer la flexibilité de plusieurs des conditions actuelles de l’assurance parentale, grâce à un nouveau régime adapté.
Notamment par rapport au 25% de revenu supplémentaire maximum autorisé, qui pourrait être augmenté, pour par exemple vous autoriser à gagner autant que votre salaire de base assurable pris en compte.
Si vous êtes sur le régime de base du RQAP vous donnant doit à un revenu hebdomadaire représentant 70% de votre salaire, vous seriez autorisé à gagner le 30% restant, pour retrouver votre revenu de base pris en compte.
Si on revient à notre exemple d’une prestation de 600 CAD de revenu hebdomadaire, sur un régime de base, donc 70%, cela signifie que le salaire de base calculé pour cette prestation est de 858 CAD par semaine.
Avec le nouveau régime adapté, le travailleur autonome pourrait alors continuer à travailler et gagner jusqu’à 258 CAD supplémentaires par semaine, donc la différence avec son salaire de référence, au lieu de 150 CAD dans le régime actuel, autorisant seulement 25% de la prestation hebdomadaire en revenu supplémentaire.
Le projet de loi vise aussi à augmenter les semaines de prestations, donc la durée des congés possibles. Maman pourrait bénéficier de 20 au lieu de 18 semaines. Vous pouvez en lire plus sur ce projet de loi sur le site de la RQAP.
Enfin, un détail à prendre en compte : les prestations d’assurances parentales du RQAP sont brutes et imposables, elles ne représentent pas un revenu net, mais bien un revenu brut qui sera imposable lors de votre prochaine déclaration de revenu.
Mais il est donc possible d’augmenter un peu votre revenu, dans les limites autorisées : 25% de votre prestation RQAP actuellement, et peut-être bientôt plus si ce projet de loi porte ses fruits !
Une autre ressource spécifique pour les futures mamans avec un travail physique : la CNESST
La CNESST a mis en place un programme spécifique pour les travailleuses indépendantes dont le métier physique ne peut pas être pratiqué enceinte.
Plusieurs conditions sont requises pour être admissible à ce programme intitulé Pour une maternité sans danger, et qui peut permettre de recevoir des indemnités à partir de 4 mois avant l’accouchement. Plus de détails sur le site de la CNESST ici.
Des prestations d’assurance-emploi pour les travailleurs autonomes ?
Vous aurez peut-être entendu parlé de prestations parentales du Régime de l’Assurance-Emploi. Le gouvernement fédéral du Canada offre plusieurs types de prestations aux canadiens, travailleurs et travailleuses qui cotisent.
Et sur une base volontaire, il est possible pour les travailleurs autonomes de s’y inscrire pour être admissible aux prestations.
Et parmi les services du Régime d’Assurance-emploi, il existe effectivement une prestation de maternité d’un maximum de 15 semaines et 595 CAD par semaine, et une prestation parentale d’un maximum de 40 ou 69 semaines et 595 ou 357 CAD par semaine.
Cependant au Québec, c’est le RQAP qui se charge de ces prestations parentales, et non le gouvernement fédéral.
Donc oui, les travailleurs autonomes peuvent-être admissibles aux prestations de l’Assurance-emploi (sure une base de cotisation volontaire et en fonction de plusieurs critères d’admissibilité), mais pour ce qui concerne les congés de maternité et paternité, c’est bien le Régime Québécois d’Assurance parentale qui offrira ces prestations aux travailleurs et travailleuses résidents au Québec.
Et comme nous avons pu le constater, le régime québécois du RQAP donne droit à de meilleurs montants et durées que le régime canadien de l’Assurance-Emploi.
Vous pouvez voir un comparatif des deux régimes, AE et RQAP, sur le site des experts financiers Raymond Chabot Grant Thornton.
Autres prestations ? En dehors des prestations de congé parental, l’assurance emploi canadienne offre d’autres genres de prestations.
Comme les prestations maladie, en cas d’arrêt de travail pour raisons médicales, les prestations pour proches aidants, pour les personnes qui fournissent des soins à un enfant ou un adulte gravement malade ou blessé, et les prestations de compassion, pour les personnes fournissant des soins ou du soutien à une personne en fin de vie.
Bien évidemment, plusieurs critères vont déterminer les droits et montants de ces prestations.
Pour plus de renseignements sur le programme des Prestations spéciales de l’assurance-emploi pour les travailleurs autonomes, rendez-vous sur le site du Gouvernement du Canada.
Pour aller plus loin :
- Le site officiel de la RQAP
- La page de Revenu Québec sur le paiement des cotisations RQAP pour les travailleurs autonomes