Avoir un statut de salarié et ses avantages en restant autonome ? Encore méconnu au Québec, le portage salarial est un statut qu’adopte plusieurs indépendants et consultants depuis les années 90 en France.
Il est à mi-chemin entre le travail indépendant et le salariat, permettant plus ou moins de garder la liberté de l’un en gardant la sécurité de l’autre.
Il permet par exemple de lancer une activité professionnelle individuelle et indépendante tout en conservant un statut de salarié, pour garder les avantages qui vont avec.
Ceci grâce à une tierce partie entre vous et vos clients : une entreprise de portage salarial. Mais qu’est-ce que ça veut dire exactement le portage salarial ?
Comment ça marche ? Quels sont les avantages et inconvénients de cette forme d’emploi par rapport au statut de travailleur autonome ?
Intéressons-nous de plus près à cette forme juridique peu connue au Québec, mais qui peut présenter des opportunités non négligeables pour certains travailleurs indépendants, en devenant des salariés dit « portés ».
Définition du portage salarial
Apparu en France dans les années 90, le portage salarial s’est développé dans plusieurs milieux professionnels, et son nombre d’adeptes a grandi dans les dernières années.
Les firmes de portage salarial se sont développées, car c’est une structure qui présente aussi des avantages pour les entreprises.
Le principe : passer par une tierce partie, une société de portage salarial, comme intermédiaire entre vous et votre client, et ainsi obtenir un statut de salarié à travers cette société, pour un contrat où vous restez indépendant :
1 – Vous trouvez votre client, votre mission de travail, définissez vos conditions et rémunération
2 – Vous envoyez seulement votre facture au client, qui lui l’enverra à la société de portage
3 – La société de portage s’occupe de la gestion des paiements et vous verse votre salaire net, déduit des impôts et cotisations sociales, vous fournissant une couverture sociale.
Il a donc une relation tripartite entre les trois acteurs du contrat de travail : le travailleur indépendant, son entreprise cliente, et la société de portage.
De cette manière le travailleur indépendant pourra simplement facturer à ses clients sans se soucier de la gestion administrative, et sans avoir à créer d’entreprise ou de structure juridique complexe, parfois longue et coûteuse à mettre en place.
Comme par exemple l’incorporation en micro-entreprise ou entreprise individuelle.
C’est la société de portage qui s’occupera de la gestion, de la paye, et de toutes les formalités administratives, ainsi que de fournir les avantages sociaux au travailleur, qui est alors salarié de cette entreprise de portage : assurance emploi et chômage, sécurité sociale et assurance maladie, cotisations retraite, etc.
En échange de ses services de gestion, l’entreprise de portage salarial prend une commission sur le chiffre d’affaire.
En gros, comme travailleur indépendant, vous gardez votre autonomie professionnelle, mais vous devenez salarié d’une société de portage salarial le temps de votre contrat avec ce client.
Vous bénéficiez alors d’une gestion simplifiée et d’une protection sociale. Une manière d’être à mi-chemin entre l’indépendance et le salariat.
Le portage salarial : pour quels types de métiers et d’activité ?
Le portage salarial agit comme intermédiaire entre le travailleur indépendant et ses clients.
Techniquement, une société de portage reste dans les domaines de prestations de services « intellectuelles », donc plutôt ce qu’on pourrait appeler du travail du bureau, puisqu’elle fournit principalement des services de gestion administrative.
Ainsi, certaines activités plus manuelles impliquant des fournitures, de la manufacture, des commerces de biens, ne seront pas éligibles à ce mode de travail.
Il faut savoir que le portage salarial s’est principalement développé dans les années 90 autour des consultants en entreprise.
C’est donc autour des métiers du consulting d’entreprise et du développement de projets, la finance, la gestion, la comptabilité ou encore de l’informatique que ce statut s’est développé, et qu’il est plus adapté.
On peut aussi mentionner que par rapport aux prélèvements sur le salaire, le portage salarial s’adresse à des revenus assez importants, car il faut pouvoir se permettre, financièrement, une côte sur son chiffre d’affaire.
C’est pourquoi on retrouve souvent, dans les salariés dit « portés », des consultants séniors ou des professionnels relativement expérimentés travaillant sur des contrats générant des chiffres d’affaires conséquents.
En 2017 par exemple, les métiers les plus exercés dans le portage salarial étaient ceux de techniciens ou ingénieurs dans le domaine de l’informatique ou de l’industrie, de conseil en ressources humaines, la formation, le management, le marketing ou encore l’audit de transition en entreprise.
Ainsi on peut constater que le portage salarial s’adresse plus à une certaine catégorie de professionnels, notamment les consultants en entreprise fournissant des expertises, ou encore des techniciens et ingénieurs en informatique travaillant sur le développement de projets de grosse envergure.
Les avantages du portage salarial VS travailleur autonome
Au croisement de l’entreprenariat et du salariat en entreprise, le portage salarial se présente comme une alternative idéale pour concilier autonomie et sécurité. Un auto-entrepreneur pourra trouver plusieurs attraits selon son activité professionnelle.
Essayons de cerner les avantages et inconvénients, en comparant avec le statut de travailleur autonome.
Facturation, impôts et gestion facilitée
C’est la société de portage salariale qui s’occupe de faire l’intermédiaire avec votre client pour tout ce qui est facturation et administration.
Ainsi vous pouvez libérer votre esprit avec un fonctionnement d’entreprise très simplifié, juste à produire vos factures, et vous pouvez vous concentrer sur votre contrat de travail directement, ainsi que sauver du temps précieux.
Puisque vous êtes salarié de l’entreprise de portage salarial, vous n’aurez pas à vous préoccuper d’une déclaration de revenus compliquée, puisque les impôts seront prélevés sur votre salaire.
A l’inverse du statut de travailleur autonome, où déclarer ses revenus peut s’avérer parfois compliqué, en plus du fait de devoir payer des impôts après sa déclaration. Vous vous libérez de ce côté-là.
Pas de structure juridique à créer et gérer
Nous avons vu que le portage salarial s’adressait à une catégorie de travailleurs indépendants générant un certain revenu.
Avec le statut de travailleur autonome, un chiffre d’affaire égal ou supérieur à 30 000$ CAD par année vous obligera à vous déclarer comme au registraire des entreprises du Québec, et à inclure la TVS et la TPS dans vos factures.
Vous pourriez même décider de vous incorporer. Mais ceci vous demandera une gestion longue et compliquée pouvant vous obliger à avoir recours à des comptables ou avocats.
Avec le portage salarial, vous n’aurez pas besoin de créer une entreprise avec une structure juridique compliquée, pas besoin de vous occuper de la gestion administrative parfois éprouvante d’une société par actions, par exemple.
Vous vous concentrez sur votre mission de travail sans vous soucier de l’aspect juridique ou de la création d’entreprise.
Vous êtes ainsi également protégé en cas de problème, votre responsabilité n’est pas directement impliquée, à l’inverse d’un travailleur autonome qui est responsable à 100% de ses activités.
Un des avantages est ainsi de pouvoir se lancer rapidement sur un contrat de travail sans avoir à créer de structure juridique ou d’entreprise, mais en restant indépendant, ce qui peut être intéressant par exemple dans une période de transition professionnelle.
Avantages sociaux
C’est ici le grand argument du portage salarial : rester autonome en gardant des avantages de salarié côté protection sociale.
Contrairement au travailleur autonome qui ne bénéficie pas d’une grande sécurité au niveau des avantages sociaux, le salarié porté possède les avantages sociaux comme s’il était employé d’une entreprise : assurance chômage, assurance maladie, et cotisations retraite.
Cependant, il faut noter que ces avantages sociaux seront à regarder en détails par rapport à la compagnie de portage et sa politique, ainsi que du territoire où elle est implantée.
Un exemple avantageux : un salarié porté par une entreprise française pourra bénéficier des droits et avantages sociaux du régime français même s’il travaille dans un autre pays, selon les territoires couverts par la société de portage.
Si la plupart des sociétés de portage en France se limitaient à l’Europe, plusieurs offrent maintenant un développement sur le territoire canadien.
Pas de limite ou plafond de chiffre d’affaire
Plusieurs statuts d’entreprises individuelles fixent des plafonds annuels maximum à ne pas dépasser, parfois sous peine de pénalités ou taxes importantes.
Si le travailleur autonome doit ainsi se préoccuper de certains plafonds et paliers financiers par rapport aux taxes et taux d’impositions, le salarié porté n’a pas à se préoccuper de cet aspect-là.
En fonction de la société de portage avec laquelle il fait affaire, ses charges seront fixes tous les mois et à la fin de l’année, peu importe son chiffre d’affaire.
Réseautage et visibilité professionnelle
Le fait de travailler avec des clients par l’intermédiaire d’une société de portage salarial vous intègre dans un certain réseau professionnel, reconnu dans votre domaine.
Certaines entreprises préféreront embaucher des travailleurs indépendants à travers le système du portage salarial plutôt que d’aborder directement un freelance ou un travailleur autonome « isolé ».
Dans ce sens, le statut de salarié porté et le fait d’intégrer un réseau professionnel via les compagnies de portage vous donne une meilleure visibilité, ainsi qu’une certaine crédibilité.
Ce qui vous permettra de trouver plus de missions et contrats, de nouveaux clients et entreprises.
En effet, les sociétés de portage salarial travaillent avec un réseau d’entreprises et de clients dont vous pourriez bénéficier en travaillant avec cette compagnie. Certaines sociétés offrent même des formations professionnelles.
Lorsque vous êtes travailleur autonome, votre réseau ne tient qu’à vous-même, et vous seul.
C’est à vous de travailler constamment pour le développer et assurer la régularité de vos contrats pour vous assurer une certaine sécurité financière.
On peut ainsi mentionner le fait que le statut de salarié peut ouvrir plus de portes grâce à cette stabilité, par exemple pour une demande de logement ou un prêt bancaire, un crédit.
Car un travailleur autonome a moins de sécurité financière au niveau de certaines institutions.
Les projets internationaux
Le portage salarial est intéressant pour des entreprises étrangères voulant implanter des projets internationaux et embaucher des consultants ou travailleurs indépendants dans un autre pays.
Le processus est simplifié pour l’embauche et le contrat de travail, car c’est beaucoup moins de gestion financière, notamment concernant la fiscalité locale d’un pays, différente du pays de l’entreprise.
Et du point de vue de l’entreprise, c’est aussi plus sécuritaire de passer par une firme de portage salarial que de gérer directement avec un travailleur autonome.
On revient ici au réseautage : un travailleur indépendant pourrait plus facilement décrocher ce genre d’opportunité qu’un travailleur autonome à son compte, dans certains domaines et contextes.
Exemple : si une firme informatique de Paris était intéressée par votre profil de développeur pour vous engager sur un projet d’envergure, elle pourrait vous recruter via une entreprise de portage salarial, à titre de consultant extérieur.
La gestion sera simplifiée pour l’entreprise, et pour vous, grâce à la société de portage salarial.
C’est ainsi que des opportunités internationales peuvent s’offrir dans certains réseaux professionnels.
Les inconvénients du portage salarial VS travailleur autonome
Les coûts et cotisations supérieures
Frais de gestion : Entre 8 et 12% du chiffre d’affaire. C’est le prix à payer pour être salarié tout en restant indépendant, et bénéficier des nombreux avantages : la société de portage salarial prélèvera un pourcentage de votre chiffre d’affaire.
Il sera dans les environs de 10% selon les sociétés, qui désignent cette côte comme les frais de gestion.
Lorsque vous êtes travailleur autonome, vous gardez 100% des profits et de votre revenu, même si vous faîtes votre gestion et comptabilité vous-même.
Par exemple, si vous faîtes une année de 50 000$, la société de portage salariale prélèvera 5 000$ de frais de gestion.
Charges sociales : Tout comme un employé, un salarié porté paye des cotisations sociales sur son salaire, pour pouvoir bénéficier d’une couverture sociale, d’une assurance emploi et d’une retraite. Selon les conditions et législations, cela peut représenter 40 à 50% du salaire.
Alors qu’un travailleur autonome incorporé par exemple, pourra bénéficier de taux d’impositions pour les entreprises, et payer moins de charges sur son salaire.
Si par exemple votre revenu mensuel brut est de 4000$, votre revenu mensuel net sera dans les environs de 2000$, après déduction des charges sociales, déduites directement sur votre paye générée par la société de portage.
Si vous êtes travailleur autonome, ces 4000$ seront directement dans votre compte, et c’est à la fin de l’année que vous payerez un impôt sur ce salaire brut.
Et selon la situation financière et votre type d’entreprise individuelle, vous pourrez bénéficier d’un taux d’imposition plus avantageux pour les entreprises, qui pourrait par exemple, grosso modo, se rapprocher plus de 30% que de 50%.
Pas ouvert à tous les métiers
Comme nous l’avons vu précédemment, le portage salarial ne s’adresse pas à toutes les activités professionnelles, et il s’adresse aussi généralement à des revenus plus importants. .
Le travail autonome sera plus intéressant pour certains types d’activité.
Le portage salarial a notamment été développé pour les consultants en entreprise : que ce soit un communication, ressources humaines, stratégie commerciale, marketing, finance, gestion et compatibilité, ou encore dans le développement de projets en informatique.
Pour avoir le statut de travailleur autonome, il n’y a pas de restrictions pour le type d’activité professionnelle, il suffit de facturer à son propre compte, de n’avoir aucune lien de subordination avec son client, et d’être propriétaire des moyens d’exécution du travail.
On pourra ainsi retrouver des métiers manuels, des métiers d’artisanat ou de construction, ou encore des commerces, avec le statut de travailleur autonome, beaucoup plus ouvert à ce niveau.
Trouver la bonne société de portage
Il existe plusieurs sociétés de portages actives sur le marché du travail.
Comme toute entreprise, il est dans leur intérêt de négocier des conditions qui leurs sont favorables pour optimiser leurs parts et leurs profits.
Ainsi, il n’y a pas de standard ou de statut public pour le portage salarial, et les conditions pourront varier d’une entreprise de portage à l’autre.
Ce sera au travailleur indépendant de trouver une société de portage salarial qui l’avantage, que ce soit au niveau des conditions financières, de la capacité et efficacité des services de gestion, mais aussi de la qualité et du type de réseau professionnel.
À qui s’adresse le portage salarial ?
De ce que nous avons pu voir, le portage salarial ne s’adresse pas à tous les cas de figures de travailleurs indépendants, et son coût est assez élevé.
Même s’il peut paraître idéal en donnant le meilleur des deux mondes, un statut de salarié en étant un travailleur indépendant, il faut être conscient des implications et inconvénients possibles selon les situations.
En termes d’activité professionnelle, le portage salarial s’adresse plutôt à des consultants de services aux entreprises, aux techniciens ou ingénieurs.
On parle ici d’un certain niveau d’études et d’expérience, car pour pouvoir se permettre financièrement le portage salarial et ses coûts élevés, il faut pouvoir prétendre à des salaires importants.
On retrouve souvent des consultants séniors ou des gens assez expérimentés dans leur domaine dans les salariés portés.
Il est donc préférable de choisir plutôt le statut de travailleur autonome pour développer une activité ou un projet qui débute, qui ne génère pas forcément de gros revenus au début.
Le portage salarial peut plutôt être intéressant pour des professionnels qui veulent pouvoir se lancer rapidement et simplement sur un projet temporaire sans avoir à créer d’entreprise et avoir à gérer la complexité de gestion d’une société, par exemple quelques mois entre deux emplois salariés.
Ou des consultants qui voudraient commencer une nouvelle activité indépendante, à leur compte, tout en gardant un statut de salarié avec la sécurité et les avantages.
Selon le domaine d’activité, certains travailleurs se tourneront vers le portage salarial pour le côté réseautage et accompagnement.
Profiter d’une structure gérant non seulement le côté administratif, mais les intégrant à un réseau professionnel, et donc à de potentielles opportunités de contrats de travail pour l’avenir, et ainsi s’assurer plus de régularité et sécurité d’emploi et de revenu.
Dans certaines industries, ce côté networking sera un vrai plus.
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