C’est une des réalités du travail autonome, et d’être son propre patron : il faut tenir ses comptes à jour, et relancer ses clients pour le paiement des factures.
Malheureusement, il arrive parfois de devoir faire face à des impayés : retards considérables, pas de retour du client, paiement qui n’arrive jamais, client qui refuse de payer…
Si vous êtes travailleur ou travailleuse autonome, vous vous demandez peut-être quels sont les recours possibles dans une telle situation?
Qu’est-ce qu’une mise en demeure? Avocats, tribunal, cour du Québec? Quelles protections, quelles démarches en cas de litige ou conflit avec un mauvais payeur? Quelles solutions et conseils juridiques pour un pigiste ou freelancer seul face à une PME?
Voici quelques pistes de recours pour les travailleurs autonomes du Québec pour faire face aux impayés.
Le client qui ne paye pas
C’est malheureusement une réalité que rencontrent aussi les petites entreprises, donc les travailleurs autonomes canadiens et québécois : il arrive qu’un client ne paye pas, qu’une facture reste impayée après la date convenue initialement.
Que ce soit un simple oubli, une erreur, un chèque perdu, ou bien réellement ce qu’on appelle un mauvais payeur, peu importe la raison : vous voudrez obtenir le paiement qui vous est dû au plus vite et faire les démarches nécessaires.
Mais il faut les faire soi-même. Car contrairement à un employé régulier, le statut de travailleur autonome ne permet pas d’être protégé par une convention collective ou par la commission des normes du travail pour faire face à un litige avec un employeur. Il doit donc faire lui-même les démarches en tant que petite entreprise, et en vertu de la loi
De la simple relance par courriel ou par téléphone aux procédures judiciaires, avocats et Cour Supérieure du Québec, il existe plusieurs cas de figures et plusieurs recours de justice en vertu de la loi canadienne, et des solutions pour les travailleurs et travailleuses autonomes avec des cas d’impayés.
La relance à l’amiable
La première étape est évidemment d’effectuer un rappel, une relance, pour le paiement de la facture impayée.
Très souvent, il s’agit d’un simple oubli de la part du client, notamment quand c’est une PME ou plus grande compagnie, et un simple rappel suffira à faire régler le problème.
Votre client aura juste à prendre quelques minutes, ou transférer votre demande à son département de comptabilité et facturation.
On peut procéder par courriel, par exemple en mettant en objet « Rappel », en mettant en pièce-jointe la facture, rappelant le montant qui était dû avec la date convenue.
Selon l’entreprise, certains choisiront d’envoyer une lettre de relance par la poste, en remettant la facture.
Facture de rappel : vous pouvez émettre une facture de rappel, par exemple en surlignant ou en mettant la date de paiement passée en rouge, ou encore en précisant « passée et dû » directement sur la facture. Vous pouvez aussi fixer une nouvelle date d’échéance, en ajoutant par exemple 10 jours ouvrables pour le paiement, en prenant soin de faire un suivi.
Selon votre relation d’affaires avec ce client, il est aussi facile de régler le problème avec un simple coup de téléphone.
Pour celui qui n’a pas payé, il est facile de ne pas répondre à un courriel et voir ça plus tard, alors qu’un rappel directement au téléphone, ou un message vocal, mettra le client devant la situation, ce qui pourrai l’obliger à vous régler plus rapidement.
Peu importe la méthode, il est conseillé de garder un ton poli et courtois, en faisant un rappel gentiment pour le paiement, pour éviter de créer un conflit ou mettre un mauvais payeur directement sur la défensive.
Dernier rappel avant mise en demeure : si les relances à l’amiable n’ont rien donné, pas de retour ou toujours pas de paiement, il est possible de faire une dernière relance, mais moins à l’amiable, en précisant par exemple : dernier rappel avant mise en demeure. Ceci fait guise de dernier avertissement au client mauvais payeur avant l’envoi d’une mise en demeure, qui pourrait alors entraîner des poursuites judiciaires.
La mise en demeure
On passe à un niveau plus « sérieux » avec des mots qui pèsent puisque cette étape est la dernière avant le début de procédures judiciaires : la mise en demeure.
Une mise en demeure est un document juridique, une lettre qui officialise le constat d’impayé ou de retard de paiement, décrit le problème, et annonce un dernier délai pour payer le montant dû avant d’entamer une poursuite judiciaire. En gros, c’est un dernier ultimatum au client mauvais payeur.
Au niveau juridique, la mise en demeure impose ainsi deux issues : soit le client paye la facture due dans les délais imposés, ou négocie une entente avec vous, soit il ne paye pas, et des poursuites judiciaires sont lancées contre lui.
Dans le concret, il existe deux manière de faire cette démarche : soit rédiger et envoyer la lettre de mise en demeure soi-même, ou bien passer par une tierce partie, la plupart du temps un avocat.
Dans les deux cas, ce sera une lettre recommandée avec accusé de réception, puisqu’il faudra des preuves de dates devant la justice, le cas échant.
1 – Rédiger soi-même la mise en demeure
La première méthode consiste à rédiger vous-même la lettre de mise en demeure. Il existe plusieurs modèles sur Internet, notamment sur le site de Justice Québec. Vous pouvez facilement trouver les mentions obligatoires à inclure, comme le montant dû, la date limite de facturation, l’entente initiale, etc.
L’avantage est de pouvoir gérer et contrôler les démarches de A à Z, de ne pas avoir à attendre si on est dans l’urgence, de ne pas dépendre d’une tierce partie, et éviter des frais d’avocats ou d’agence.
Et aux yeux de la loi, une mise en demeure faîte par le travailleur autonome possède la même valeur juridique que si elle est faîte par un avocat.
2 – Faire faire la mise en demeure par un avocat
Deuxième option, faire appel aux services d’une autorité judiciaire, pour faire rédiger et envoyer la lettre de mise en demeure par un avocat, et ainsi déléguer la gestion du conflit.
Même s’il faut considérer les frais d’avocats, cette option présente beaucoup d’avantages. Un avocat est habitué à ces démarches et sera plus à l’aise que vous pour gérer le processus, le fera plus rapidement que vous, en plus de rédiger une lettre plus « professionnelle », puisque rédigée par un spécialiste agréé du droit et de la justice.
Mais surtout, une mise en demeure par un avocat est beaucoup plus persuasive, de par son professionnalisme, mais aussi le statut légal.
La menace de mise en demeure et de poursuites judiciaires peut être prise beaucoup plus au sérieux par le client qui ne paye pas…
On peut aussi envisager que, dans le cas d’une poursuite judiciaire lancée, un juge pourrait voir en votre faveur le fait d’avoir géré les choses professionnellement dès le départ avec un avocat.
Cette dernière chance peut parfois suffire à obtenir la coopération du client, grâce à la menace juridique, surtout celle d’un avocat, et le pousser à entreprendre enfin des négociations pour conclure une entente, et éventuellement décider de modalités de paiement.
Agence de recouvrement : une alternative à la mise en demeure peut être de faire affaire avec une agence de recouvrement. Les agents et avocats de l’agence vont se charger de relancer et « harceler » le client quelques mois jusqu’à obtenir une entente. Cependant, cette option peut s’avérer un peu plus coûteuse, et elle est généralement employée plutôt par des moyennes ou grosses entreprises ayant beaucoup de factures impayées ou un gros montant, plutôt que par des travailleurs autonomes.
Demande en justice : Cour des Petites Créances du Québec
Si la mise en demeure n’aboutit pas, et que le client n’a toujours pas payé à la date indiquée dans la mise en demeure, il est alors tant de commencer les poursuites judiciaires, c’est-à-dire passer devant des tribunaux en Cours du Québec. Légalement, le procès doit se passer dans les trois ans après la date de mise en demeure.
Si le montant réclamé est en dessous de 15 000 CAD, le dossier sera confié à la cour des Petites Créances du Québec, qui est de loin la meilleure option pour les travailleurs autonomes québécois et les PME de moins de 10 employés.
La procédure est très simplifiée niveau administratif, simplement un formulaire à remplir, et ne nécessite pas la présence – et les honoraires – d’un avocat. Les délais de traitement sont généralement moins longs que la Cour Supérieure, et il est possible d’accéder gratuitement à un service de médiation.
Demande en justice : Cour Supérieure du Québec
Si le montant impayé à recouvrir est supérieur à 15 000 CAD, le dossier devra alors être mis entre les mains d’un avocat pour être jugé à la Cour Supérieure du Québec. Il faut être conscient qu’on s’engage alors dans une procédure qui pourra durer plusieurs années, et surtout qui pourra couter cher, car le taux horaire d’un avocat peut dépasser 200 CAD.
Baisser le montant demandé à 15 000 : Avant de s’engager dans une bataille juridique longue et coûteuse, il faut bien faire son équation, quitte à baisser un peu le montant à recouvrir pour être admissible à la Cour des Petites Créances du Québec.
Pourquoi? Si par exemple le litige porte sur 20 000 CAD, mais que vous engagez un avocat avec un taux horaire de 200 CAD, les frais d’avocats pourraient rapidement s’élever, d’autant plus qu’il est impossible de prédire à l’avance les heures.
Ainsi, même si vous récupérez vos 20 000 CAD, mais que vous avez près de 4 000 CAD de frais d’avocat, et qu’il vous faut attendre plusieurs années – un procès peu prendre 3 ans avant de commencer – avec de la gestion administrative de papiers juridiques, des rencontres et des tribunaux, et aussi du stress dans cette attente, il est peut-être préférable de réclamer seulement 15 000 CAD pour régler le dossier beaucoup plus simplement, rapidement et à des frais moindres en passant par la Cour des Petites Créances du Québec, et parfois même récupérer plus d’argent au bout du compte…
Mieux vaut prévenir que guérir : 3 conseils
Même si plusieurs recours et procédures existent, faire face à des impayés en tant que travailleur indépendant au Canada, cela peut vite devenir préoccupant. C’est une source de stress, et de l’énergie, du temps et de l’argent qu’on voudrait mettre ailleurs.
Alors pour éviter au maximum les mauvaises surprises, se retrouver dans des situation d’impayés et de factures en retard, débordant sur des mises en demeures et procédures juridiques, voici trois conseils :
1 – Tenir sa comptabilité à jour : Il peut arriver, surtout si on fait par exemple beaucoup de piges et contrats avec différents clients, ou simplement beaucoup de petits contrats, de perdre le fil des paiements en attente.
En faisant un suivi régulier de chaque facture et sur chaque client, il est possible de relancer suffisamment tôt les retards et impayés pour éviter que cela ne s’accumule après plusieurs mois. Par exemple en tenant sa comptabilité de manière hebdomadaire plutôt que mensuelle.
C’est aussi un moyen de repérer rapidement des mauvais payeurs, si dès la première facture le paiement n’est pas fait à la date convenue.
2 – Faire des devis avant les factures : En incluant bien la date de paiement et en précisant les détails des modalités de paiement, surtout avec un nouveau client. Par exemple : paiement par virement Interac ou Paypal dans les 5 jours ouvrables après la fin du contrat.
Certains travailleurs autonomes se contentent parfois d’une entente orale, et font juste envoyer leur facture à la fin du contrat. Mais il est plus prudent de faire valider au préalable un devis par le client.
De plus, en cas de litige, le devis signé et approuvé par le client servira de preuve pour les démarches juridiques comme la mise en demeure, ou pourra servir lors du passage en cour.
3 – Exiger un paiement d’avance ou à mi-chemin : Autre stratégie prudente avec un nouveau client, surtout quand des montants importants sont impliqués : exiger dans les modalités un paiement en plusieurs fois, qui sera approuvé et signé par le client dans le devis.
Vous pouvez soit demander un acompte pour commencer le projet, soit demander un ou plusieurs paiements au cours de la réalisation du contrat, par exemple au tiers ou à la moitié, selon le temps et l’ampleur du projet.
C’est un bon moyen de sécuriser les paiements, notamment en ne livrant pas l’intégralité du projet de travail avant d’avoir reçu les paiements convenus dans le devis selon les modalités, ce qui permet de s’assurer que le client paye dans les temps.
Pour aller plus loin :
- Consulter notre article sur la facturation et les moyens de paiement pour les travailleurs autonomes
- Le Guide du Travailleur Autonome de Jean Benoit Nadeau donne quelques conseils sur la gestion des relations clients
- Un exemple de mise en demeure dans cet article du blogue de Jobboom