Si être son propre patron attire aujourd’hui de plus en plus de québécois et québécoises, et 15% de la population active au Canada, le statut de travailleur indépendant oblige une réflexion sur l’épargne et la planification financière.
Car contrairement à un salarié dont l’entreprise prélèvera directement les cotisations et impôts sur le salaire, les travailleurs et travailleuses autonomes devront le prélever eux-mêmes sur leur chiffre d’affaire.
Et prévoir leurs dépenses d’entreprise, leurs congés non payés, les imprévus, une épargne retraite, etc…
Alors quel pourcentage, quel montant mettre de côté ? Quelles sont les meilleures stratégies d’épargne ? Quelles dépenses prévoir ? Comment calculer la taille de son coussin financier ?
Discipline, planification et organisation dans les finances personnelles et professionnelles seront de rigueur pour jouir de la situation d’indépendance du travail autonome, et éviter les mauvaises surprises lorsqu’on se lance à son compte.
Les impôts à anticiper : jusqu’à 30% du chiffre d’affaire
C’est une des prévisions les plus importantes quand on est travailleur autonome.
Car l’argent que l’on encaisse de ses clients est un salaire brut, il n’y a pas encore d’impôts prélevés, contrairement à un salarié qui reçoit directement son salaire net déduit d’impôts.
Il faut payer des taxes après la déclaration de revenu. Ainsi il est essentiel d’estimer et anticiper cette dépense en mettant de l’argent de côté.
Combien mettre de côté ?
Plusieurs outils peuvent vous aider à estimer vos impôts, en se basant soit sur l’année passée ou l’année en cours. Comme celui de Turbo Impôt : https://turboimpot.intuit.ca/ressources-impot/calculatrice-impot-canada.jsp
Pour faire une moyenne et estimation rapide, on peut considérer 30% comme taux d’imposition en 2021 pour une tranche de 50 000$, pour les travailleurs autonomes, soit environ 15% pour la taxe provinciale TVQ et 15% pour la taxe fédérale, la TPS.
Au-dessus de 50 000$, d’autres taux d’imposition s’appliqueront.
Vous pouvez également vous donner une idée en regardant les taux d’imposition en vigueur ici : http://www.calculconversion.com/calcul-impots-quebec.html
L’option des acomptes provisionnels : mise de côté forcée
Après une première année d’activité, vous pourriez avoir les acomptes provisionnels à payer.
C’est un impôt anticipé par trimestre, donc plusieurs fois au cours de l’année, plutôt qu’une seule somme d’un coup, ce qui est souvent un problème lorsqu’il faut sortir 4 000$ de son compte pour payer ses impôts si on n’a pas fait une mise de côté rigoureuse et bien anticipée.
Vacances, congés maladie, médicaments et autres dépenses
Le travailleur autonome paye sa liberté et son indépendance au prix des avantages sociaux du salariat dont il ne peut pas bénéficier.
Ainsi, même s’il peut décider de prendre un jour off ou une semaine de vacances à sa guise, ce temps non-travaillé ne sera pas rémunéré, car il ne bénéficie pas de congés payés. Même chose pour des jours de maladie non-travaillés, plus d’éventuels médicaments non remboursés.
C’est donc une dépense à prévoir selon la quantité de congés que vous comptez prendre au long de l’année.
Combien mettre de côté ?
Si on prévoit par exemple 3 semaines de vacances, en rajoutant une semaine pour des jours de congés espacés pendant l’année, on peut penser à épargner l’équivalent d’un mois de salaire, soit environ 4 000$ pour un salaire de 50 000$, un peu moins de 10%.
Pour les dépenses de santé, c’est évidemment plus difficile à calculer et estimer.
Il est recommandé d’une part de s’informer sur les assurances et couvertures santés possible pour les indépendants, et de prévoir un fond dans le coussin financier pour les imprévus.
Dépenses liées à l’activité : fournitures, outils, formations
Selon Revenu Québec, le statut de travailleur autonome est notamment défini par la propriété des outils et méthodes de travail.
Ces derniers sont donc totalement à sa charge.
Par exemple dans une entreprise, un salarié verra sa voiture de service, son ordinateur ou ses vêtements de travail intégralement fournis et financés par l’entreprise qui le paye.
Un travailleur autonome devra assumer lui-même ces dépenses. Tout comme la formation.
Pour par exemple se mettre à jour sur un logiciel ou des méthodes de travail en constante évolution, il sera nécessaire de payer une formation professionnelle.
Combien mettre de côté ?
Pour estimer cet aspect et le pourcentage monétaire qu’il représente, cela dépendra vraiment du type d’entreprise et du domaine professionnel, certaines activités nécessitant un investissement plus important et plus fréquent que d’autres.
Par exemple si on a besoin de beaucoup de fournitures et matières premières pour une activité d’artisanat, ou si on a besoin d’acheter plusieurs logiciels ou faire plusieurs formations en ligne par année.
La somme à mettre de côté pourra varier de 10% à 30% du chiffre d’affaire.
Imprévus : fonds d’urgence / fonds de roulement
Etre son propre patron c’est aussi devoir trouver ses propres contrats.
Un autre prix de la liberté des travailleurs autonome, l’aspect parfois risqué et instable des rentrées d’argent, dont la régularité ne tient qu’à celle des contrats.
C’est pourquoi il est recommandé de mettre de côté pour pouvoir passer à travers d’éventuelles périodes creuses, des traversées du désert en cas de pertes de clients et contrats.
Car les indépendants n’ont pas d’assurance-emploi ou de chômage pour retomber sur leurs pattes en cas de coup dur ou de perte d’emploi.
Combien mettre de côté ?
Les experts financiers recommandent de mettre l’équivalent de trois mois de salaire pour être sécuritaire et pouvoir subvenir à ses besoins en cas de perte de revenus, surtout lorsqu’on se lance à son compte la première année.
Par exemple, sur une base de 50 000$ par année, en arrondissant à 4000 par mois, il serait recommandé de garder un 12 000 de côté, soit plus de 10% du chiffre d’affaire.
Trois mois ce n’est pas rien, et on si on a pas les moyens au départ, on peut envisager de construire ce coussin financier sur du moyen terme en mettant de côté un peu plus chaque mois la première année d’activité par exemple.
Cotiser et épargner pour les travailleurs autonomes
Autre désavantage du travailleur autonome par rapport au salarié : il ne cotise pas automatiquement tous les mois pour les REER, le régime enregistré d’épargne retraite.
C’est donc au travailleur autonome de faire lui-même ses démarches et choisir ses stratégies de placement pour volontairement épargner chaque mois en vue d’un placement de retraite non imposable, par exemple.
Pour la question de la retraite, certains experts financiers conseillent de prévoir 20 à 25% du chiffre d’affaire à convertir en épargne retraite.
Plusieurs options de placements s’offrent aux travailleurs autonomes.
Ces épargnes libre d’impôt peuvent constituer des stratégies pour faire baisser le revenu imposable de l’entreprise individuelle et payer moins d’impôt à la fin de l’année.
CELI : le compte épargne idéal
Un compte d’épargne libre d’impôt : le CELI reste aujourd’hui une des meilleures options disponibles pour les travailleurs indépendants pour mettre de l’argent de côté.
Contrairement à un REER, les retraits de sont pas imposables ou sujets à des frais.
Et les activités de ce compte n’auront aucune influence sur d’éventuels crédits d’impôts ou prestations gouvernementales auxquels vous seriez éligibles. Car l’argent cotisé dans un CELI et les revenus générés ne sont pas imposables.
C’est donc une épargne qui reste flexible et disponible en tout temps au besoin, pouvant constituer une solution à court terme.
REER : l’épargne sur long terme
Un REER est une épargne qui peut seulement être utilisée pour une pension de retraite lorsque vous vous retirerez de la vie active, ou pour financer un projet immobilier, ou encore un retour aux études.
C’est donc une épargne qui vise des projets sur le plus long terme. En tant que travailleur autonome, vous pouvez décider de cotiser volontairement, par exemple de mettre 45$ par semaine dans un REER. Car contrairement à un employé, votre revenu brut n’est pas automatiquement prélevé pour cotiser au REER, c’est à vous de planifier et organiser cette épargne.
La cotisation au RRQ
Dès qu’un revenu de travail autonome dépasse 3500$, il sera automatiquement taxé à 10,8%, pour cotiser au Régime des Rentes du Québec. Cette cotisation permet d’accumuler une épargne retraite qui sera ajoutée à la pension retraite du travailleur autonome lorsqu’il prendra sa retraite. Plus d’informations sur le site de Revenu Québec ici.
Travailleur autonome : combien mettre de côté ?
Comme nous avons pu le voir, les travailleurs autonomes sont confrontés à beaucoup de dépenses qu’il faut anticiper, pour par exemple éviter les mauvaises surprises après la déclaration d’impôts.
En fait, pour illustrer par rapport à un salarié : un travailleur indépendant doit non seulement transformer son revenu brut en revenu net en anticipant et en faisant les déductions lui-même, mais il doit aussi payer lui-même les charges patronales sur son salaire (taxes et cotisations).
Pour faire un rapide résumé des diverses estimations :
Court / Moyen terme :
- Impôts et taxes : environ 30%
- Vacances / Congés Maladie : 8 à 12%
- Imprévus / Fonds d’urgence : environ 10 %
- Dépense d’entreprise : de 5 à 30%
Long terme :
- Epargne Retraite : de 20 à 25%
Ainsi, entre les diverses dépenses à anticiper, les déductions à prévoir, et le coussin financier nécessaires pour les imprévus, on pourrait bien estimer un minimum de 50% du chiffre d’affaire qu’il serait raisonnable de mettre de côté à la fin de l’année pour un travailleur autonome.
Cependant, il faut garder en tête que certaines mises de côté peuvent se faire sur du moyen à long terme. Une fois de plus, organisation et planification seront des alliés de grande taille, ainsi qu’un bon planificateur financier.