C’est le challenge que rencontreront tous les travailleurs autonomes quand vient la question des finances personnelles et des projets de vie à court, moyen et long terme.
Qu’on parle de retraite, d’investissement, d’acheter une première maison, d’une nouvelle voiture ou de régime d’assurance vie, lorsqu’on est son propre patron, il est primordial de mettre de l’argent de côté pour pouvoir mener à bien ses différents projets.
Alors comment gérer son épargne lorsqu’on est travailleur autonome au Québec ? Quelles stratégies adopter quand on parle de CELI, REER, RRQ ou encore de constituer des fonds de pension ? Essayons de voir ici les lignes principales de l’épargne pour les indépendants au Canada.
Parce que contrairement aux idées reçues, la vie de travailleur autonome ou pigiste peut aussi rimer avec sécurité financière, même si c’est un peu plus de planification, prévoyance et gestion d’épargne que pour un employé avec des avantages sociaux. Quitte à faire appel à un conseiller financier.
Anticiper les impôts : prévoir environ 30% du chiffre d’affaire
Avant de pouvoir faire son budget et épargner pour des projets de vie, un travailleur autonome doit d’abord anticiper son revenu net : prévoir de payer ses impôts.
Car contrairement à un employé dont le salaire est prélevé à la source par l’employeur pour les cotisations, lorsqu’on est travailleur indépendant, le paiement qu’on reçoit de ses clients est un revenu brut.
C’est parfois un piège car cet argent semble disponible dans notre compte mais il reste un salaire brut sur lequel les impôts ne sont pas encore payés.
Il est ainsi primordial d’anticiper la taxe du Québec et la taxe du Canada sur le chiffre d’affaire avant de penser à pouvoir utiliser cet argent
Payer en versements trimestriels avec les acomptes provisionnels : Une solution qui peut permettre un paiement d’impôt anticipé via des versements trimestriels. Vous aurez automatiquement à payer des acomptes provisionnels si votre impôt net de l’année en cours ou l’une des deux années précédentes est supérieur à 1 800 CAD net. Cependant, il est aussi possible de s’inscrire directement le site de l’Agence du Revenu du Canada pour par exemple prendre une entente pour payer son impôt aux trimestres plutôt qu’à la fin de l’année en une seule fois. Une stratégie qui peut permettre de mieux gérer son épargne.
En 2021, la taxe provinciale, la TVQ, était de 12,5%, et la taxe fédérale, la TPS, était de 15%, ce qui donne un total de 27,5%.
C’est pourquoi en règle générale il est conseillé aux travailleurs et travailleuses autonomes québécois d’anticiper et mettre de côté 30% de leur chiffre d’affaire pour pouvoir payer leurs impôts.
C’est ainsi un premier prélèvement qu’il faut anticiper sur ses revenus, avant de pouvoir penser à mettre de côté et épargner pour tout autre projet de vie.
Autrement dit, c’est une étape nécessaire pour pouvoir déterminer son revenu net de travail autonome, pour pouvoir ensuite budgétiser et planifier son épargne.
Se protéger des imprévus et assurer ses projets de vie
Un travailleur autonome n’est pas protégé par l’assurance-emploi comme un employé: s’il ne peut plus travailler demain à cause d’un accident ou d’une maladie, il pourra perdre sa source de revenu, temporairement mais aussi à plus long terme car ses clients ne pourront pas lui garantir de l’attendre pour lui donner de nouveaux contrats.
C’est pourquoi il est très important pour les travailleurs autonomes de s’assurer, dans le cadre d’une stratégie d’épargne et simplement pour pouvoir mener à bien des projets de vie sans mauvaise surprise.
Et ce n’est pas seulement pour protéger ses projets d’avenir, mais aussi ses projets en cours : car si vous avez un crédit ou une hypothèque en cours, les conséquences d’une perte de revenu peuvent être désastreuses.
Plusieurs solutions existent, notamment du côté des compagnies privées d’assurance qui proposent de plus en plus de produits adaptés aux indépendants.
Plusieurs types d’assurances : Généralement, on cherchera à trouver une assurance invalidité, assurance salaire ou une assurance maladie grave.
Si vous n’êtes plus capable d’exercer votre activité de travailleur autonome à cause d’une maladie ou d’un accident, et que l’assureur vous reconnaît comme invalide, vous pourriez bénéficier de versements mensuels non imposables pour pallier au manque de revenu, et couvrir les frais quotidiens, le loyer ou l’hypothèque, les prêts personnels et marges de crédit, les factures ou encore d’autres assurances.
En général et selon les contrats, ce montant peut représenter entre 60 et 85% du revenu habituel. Du côté des primes d’assurances, les contrats peuvent varier en démarrant 50, 75 ou 100 CAD par mois, pour monter encore selon les conditions et types de couverture. Un budget à prévoir, mais essentiel pour protéger ses revenus.
Il est également important d’avoir une assurance vie, car en cas de décès, le travailleur autonome pourrait entraîner des conséquences financières graves pour ses proches, surtout s’il est propriétaire d’une entreprise, en plus d’avoir des crédits ou hypothèques à son nom.
Une assurance vie permet d’assurer une sécurité et une paix d’esprit en assurant vos prêts et hypothèques.
Pour en savoir plus, consultez notre article sur les différentes couvertures pour les travailleurs autonomes.
Coussin financier de sécurité : En règle générale, on recommande aux indépendants de prévoir les mois les plus difficiles, des mois avec moins de rentrées d’argent, ou des imprévus financiers, dépenses de santé, en mettant de côté l’équivalent de 3 mois de salaire, par exemple dans un compte épargne séparé, utilisable en cas de besoin. C’est une stratégie à considérer et un budget conséquent à prévoir dans l’épargne.
Epargner pour des projets à court terme et moyen terme
Que ce soit pour financer un voyage, des rénovations, un nouveau véhicule ou encore un nouvel ordinateur, plusieurs régimes d’épargnes sont possibles pour les travailleurs autonomes.
On peut privilégier des placements avec de la flexibilité et des taux d’intérêts avantageux comme les CELI, ou encore des Régimes Non Enregistrés, qui peuvent par exemple représenter un placement supplémentaire si on a atteint le maximum de ses cotisations annuelles dans son CELI.
Plusieurs banques proposent différents produits de placements qui seront ainsi flexibles en retraits pour pouvoir être utilisés dans un délai relativement court.
Compte d’épargne libre d’impôt : Le CELI est un des placements les plus populaires au Québec et au Canada. C’est un régime de placement enregistré dans lequel l’argent que vous placez, les gains obtenus et les retraits, ne sont pas taxés.
L’argent qui fructifie dans ce compte est donc libre d’impôt. Contrairement à un REER qui est imposable au moment du retrait, le CELI n’a pas de restrictions pour être retiré.
C’est souvent un placement qui est conseillé pour commencer à épargner avec un revenu modéré, pour des objectifs à court ou moyen terme.
Epargner pour des projets à long terme
Que ce soit pour s’assurer un fond de pension pour la retraite, prévoir l’achat d’une maison, un retour aux études ou une épargne pour financer les études des enfants, il existe plusieurs options pour les travailleurs autonomes qui veulent planifier des projets de vie à plus long terme.
Au-delà de simples mises de côté par mois, il est important de pouvoir anticiper par exemple les plafonds ou montants maximums de cotisation pour établir au mieux sa stratégie d’épargne, qui sera différente selon les revenus.
L’aide d’un planificateur ou conseiller financier peut-être précieuse, car plusieurs paramètres sont à considérer sur le plan fiscal lorsqu’on gère une entreprise individuelle.
Le REER, Régime Enregistré d’Epargne-Retraite, reste le régime d’épargne plus courant et populaire, notamment car il est flexible pour d’éventuels projets autres que la retraite, comme l’achat d’une première maison dans le cadre du régime d’accès à la propriété, ou encore un retour aux études.
Il permet ainsi de mettre de l’argent de côté pour un projet de retraite, mais également d’autres projets à long terme comme l’immobilier.
Si les employés sont directement prélevés sur leur revenu brut pour cotiser à des REER, il est possible pour les travailleurs autonomes d’en ouvrir un eux-mêmes en vue de la retraite.
Le RVER, Régime Volontaire d’Epargne Retraite, (ou RPAC dans le reste du Canada) peut représenter une autre alternative intéressante pour les travailleurs québécois.
Notamment car le taux de cotisation de l’épargnant est déterminé en fonction de sa capacité à épargner, et que l’épargne accumulée grandit plus vite en raison des faibles frais d’administration du régime.
C’est également un régime beaucoup plus simple à mettre en place qu’un REER pour les travailleurs autonomes.
Si vos projets d’épargne concernent exclusivement la retraite, il existe d’autres placements et produits d’épargne à long terme comme le FERR, Fond Enregistré de Revenu de Retraite.
C’est en fait un complément d’un REER pour anticiper les versements mensuels du fond de pension, qui peut aussi prendre la forme d’un FRV, un Fond de Retraite Viager, permettant de transférer d’autres fonds accumulés.
On peut également considérer le CRI, Compte de Retraite Immobilisé, qui peut être intéressant pour des travailleurs autonomes qui auraient déjà épargné dans leur carrière précédente d’employé et voudraient transférer ces fonds, tout en continuant de les garder à l’abri de l’impôt.
Selon l’institution financière avec qui vous ferez affaire pour votre produit de placement, il pourra y avoir des différences de conditions comme les taux d’intérêts ou la flexibilité et possibilité d’insérer d’autres produits.
Il est ainsi important de prendre le temps de magasiner les diverses options offertes pour trouver la plus avantageuse dans votre situation financière et selon vos projets de vie.
Une épargne retraite supplémentaire, le RRQ : Bien que les travailleurs autonomes ne cotisent pas automatiquement comme des employés pour des avantages sociaux comme l’assurance-emploi, ou encore pour des REER, ils peuvent contribuer, selon leur revenu, à certaines cotisations comme la RRQ, la FFS et la RQAP.
Ces cotisations pourront être payées à travers les acomptes provisionnels. Dès qu’un revenu de travail autonome dépasse 3 500 CAD, il sera automatiquement taxé à 10,8%, pour cotiser au RRQ, le Régime de Rentes du Québec.
Cette cotisation permet d’accumuler une épargne retraite qui sera ajoutée à la pension retraite du cotisant lorsqu’il prendra sa retraite.
Il est conseillé aux travailleurs autonomes de ne pas négliger cette option de régime de retraite du gouvernement du Canada en cotisant au maximum lors du payement des taxes.
Si certains pourraient être tentés de réduire leur revenu imposable pour réduire leur taux d’imposition et payer moins d’impôts, il ne faut pas oublier que le RRQ représente une épargne retraite non négligeable à travers les taxes.
Garder une longueur d’avance, étudier toutes les options
Ainsi, peu importe le projet de vie, que vous vouliez tout mettre dans la retraite pour assurer vos vieux jours ou que vous préfériez financer de petits projets d’année en année, peu importe votre stratégie pour les financer : les travailleurs autonomes sont obligés de prendre une longueur d’avance par rapport aux employés quand vient la question de l’épargne.
Cela peut passer par une meilleure gestion des finances personnelles et des dépenses, une rencontre avec un planificateur financier et des heures de lecture et de recherche sur les différents placements fiscaux existant au Québec et au Canada.
Mais dans tous les cas, la prévoyance et l’anticipation seront la clef, avec une discipline d’épargne active à mettre en place au plus tôt selon vos projets.
Faire un budget : C’est un aspect essentiel qui permet de voir plus loin pour construire des stratégies d’épargnes plus réalistes et efficaces pour vos projets de vies. En prenant en compte vos revenus, vos dépenses, les taxes à payer, et vos objectifs comme par exemple remplir un CELI ou cotiser à un REER, vous pourrez déterminer par exemple un montant mensuel à épargner.
Bien sûr, il faut garder en tête que les projets de vie peuvent changer au cours des années et de notre parcours, tout comme notre situation financière, mais cela ne doit pas empêcher de développer d’autres stratégies d’épargne.
On peut par exemple commencer par remplir un CELI avant d’éventuellement ouvrir un REER et se lancer dans des projets sur du plus long terme et de plus grande envergure.