Travail autonome et épargne-retraite au Québec : quelles options ?

Par Bruno Maniaci
retraite travailleur autonome

C’est une des grandes questions préoccupantes lorsqu’on choisit la voie du travail indépendant et qu’on essaye de voir sur du long terme : quelles sont les possibilité d’épargne-retraite ?

Comment font les travailleurs autonomes pour s’assurer un revenu de retraite? Quel régime de retraite choisir ? Qu’en est-il du RRQ, des REER ou encore des CELI ?

Essayons ici de faire le tour des différentes options de fonds de pension qui s’offrent aux travailleurs et travailleuses autonomes québécois.

Nous verrons que la question est loin d’être simple et nécessite parfois l’aide d’un conseiller financier ou planificateur financier, car chaque situation est différente pour optimiser un plan de retraite lorsqu’on travaille à son compte. Et que la gestion des finances personnelles est ici primordiale.

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Cotisation automatique : le RRQ

La première option d’épargne-retraite pour les travailleurs autonomes est le Régime de Rentes du Québec. C’est un impôt que l’on paye automatiquement auprès de Revenu Québec dès qu’un revenu de travail dépasse 3 500 CAD.

Il permet aux cotisants, s’ils ont cotisé suffisamment, de bénéficier de plusieurs types de protections financières.

Si vous cotisez suffisamment, à partir de l’âge de 65 ans, vous pourrez recevoir une rente de retraite soit un revenu mensuel équivalent à 25% de votre salaire avec une limite de revenu maximum imposable.

De plus, si vous travaillez encore après 65 ans et que vous avez un revenu de plus de 3 500 CAD par année, vous pourrez aussi bénéficier d’un supplément sur la rente de retraite.

Vous arrêtez de cotiser au RRQ lorsque vous cessez définitivement votre vie active pour prendre votre retraite, ou bien si vous commencez à recevoir une rente ou assurance invalidité.

Le Régime Supplémentaire de la RRQ : depuis le 1er janvier 2019, le Régime de Rentes du Québec a été bonifié d’un régime supplémentaire, qui permettra d’augmenter les prestations financières par rapport au régime de base. Par exemple, ce nouveau régime comprend une augmentation du taux de remplacement du revenu, qui passera de 25 % à 33,33 %, ainsi qu’une une augmentation du salaire admissible maximal jusqu’à ce qu’il atteigne 114 % du maximum des gains admissibles (MGA). Cette bonification prendra son plein effet dans les environs de 2050, basée sur une quarantaine d’années de cotisations. Donc si vous êtes dans la trentaine en 2021 et que vous commencez à cotiser, vous pourriez en bénéficier, en prenant votre retraite dans ces années-là.

Les avantages du RRQ : Bien qu’elles ne représentent pas forcément un remplacement total de revenu d’emploi, les prestations admissibles du RRQ peuvent représenter un important supplément de revenu lors de la retraite.

Elles peuvent notamment représenter une diversité de sources de revenu à la retraite, en plus d’un autre régime d’épargne retraite, ou d’autres placements, par exemple un CELI ou un REER.

Un des avantages du RRQ est d’être une rente garantie et indexée peu importe les fluctuations du marché du travail et financier, contrairement à d’autres régimes d’épargne privés.

Le RRQ peut donc être considéré comme une épargne stable et sans risque pour ses revenus de retraite, réduisant ce qu’on appelle le risque de longévité, un facteur d’incertitude dans la planification retraite lié à l’allongement de la durée de vie.

 

Les inconvénients du RRQ : Même si le Régime Supplémentaire permettra (dans une quarantaine d’années…) de passer de 25% à 33% du taux de remplacement de revenu, et à condition de cotiser suffisamment, et en considérant qu’il y a un revenu maximal imposable, il faut rester conscient que les prestations de RRQ ne seront pas suffisantes pour assurer un revenu principal.

Il est conseillé aux travailleurs autonomes de prévoir dans leur planification financière d’autres sources de revenu en passant par d’autres options d’épargne-retraite.

Pour en savoir plus, rendez-vous sur cette page du site de Retraite Quebec.

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L’aide du Canada : la Pension de la Sécurité de la vieillesse

Une source de revenu pour la retraite existe du côté du gouvernement fédéral du Canada. En dehors du Québec, c’est le RPC, Régime de Pensions du Canada dont bénéficieront les cotisants éligibles.

Cette pension SV peut être touchée par tous les travailleurs québécois, et elle n’est pas déterminée par le montant du revenu mais par le nombre d’années où vous avez habité au Canada à partir de vos 18 ans.

En 2020, le montant maximal mensuel était fixé à 614,14 $. Les personnes dont le revenu net dépasse 128 149 $ n’y sont toutefois pas admissibles.

 

Avantages de la PSV : C’est une prestation gouvernementale facile à obtenir et elle ne nécessite pas de cotisations, puisqu’elle est simplement calculée sur la résidence d’un travailleur au Canada, et non sur son salaire.

 

Inconvénients de la PSV : C’est plus un complément de revenu qu’un revenu principal, de par son faible montant, et elle ne sera pas accordée aux travailleurs indépendants dépassant un certain revenu annuel.

Il faut également mentionner l’impôt de récupération de la PSV : c’est une taxe de 15% qui s’applique à la somme des revenus totaux supérieure à 79 054 CAD (pour l’année 2020), jusqu’à atteindre 100% de la PSV à 128 149 CAD.

 

SRG : Supplément de Revenu Garanti : ce programme permet aux bénéficiaires du de la PSV à faible revenu d’obtenir un complément de revenu non imposable. Les bénéficiaires dont le revenu annuel est inférieur à 18 984 CAD pour une personne seule sont admissibles. Pour plus de détails des montants pour les situations avec un conjoint, rendez-vous sur le site du Gouvernement du Canada.

Les REER et les travailleurs autonomes

Contrairement aux employés, les travailleurs autonomes canadiens n’ont pas leur salaire prélevé directement à la source pour cotiser pour certains avantages sociaux, dont les REER, un des régimes de retraite les plus populaires.

Cependant il est possible pour les travailleurs autonomes d’en ouvrir un eux-mêmes en vue de la retraite.

 

Avantages du REER : Les déductions fiscales sont intéressantes, c’est un outil qui vous rapportera, et vous permettre de faire fructifier votre épargne. Car chaque année, vous aurez un crédit d’impôt pour votre contribution.

Et les REER sont déductibles d’impôt, vous pourriez donc faire baisser votre revenu imposable et reporter votre impôt à plus tard, lorsque votre taux d’imposition moyen sera plus faible, à la retraite.

 

Inconvénients du REER : Imposable lors du retrait. Par exemple si vous mettez 100 000 CAD dans votre REER, il vous faudra payer le 33% d’impôt, donc en réalité il vous restera un peu moins de 70 000 CAD.

Aussi, un REER n’est utilisable que pour la retraite, ou pour un achat immobilier. Ce n’est donc pas une épargne flexible que vous pouvez utiliser à tout moment.

 

Le RVER pour les travailleurs autonomes

C’est un régime volontaire d’épargne-retraite. C’est donc une option intéressante pour les indépendants comme des travailleurs autonomes, qui n’ont pas accès automatiquement à une épargne-retraite.

Les avantages fiscaux sont les mêmes que pour un REER, pour le coté déductible d’impôt, mais ses frais de gestion sont moins élevés.

 

Avantages du RVER : Un des avantages pour l’épargnant est que le taux de cotisation est déterminé en fonction de sa capacité à épargner, et que l’épargne accumulée grandit plus vite en raison des faibles frais d’administration du régime.

C’est également un régime beaucoup plus simple à mettre en place qu’un REER pour les travailleurs autonomes. Il suffit de choisir un RVER qui est enregistré à Retraite Québec et de communiquer avec son administrateur.

Inconvénients du RVER : Il est moins flexible qu’un REER, puisqu’il n’est pas utilisable en dehors de la retraite pour l’achat d’une maison ou pour un projet d’études par exemple.

C’est donc un placement exclusivement réservé à la retraite avec moins de variations et stratégies envisageables, car les possibilités de placements dans un RVER sont très limitées par rapport à un REER, qui permet de considérer plusieurs produits de placement.

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Le CELI, une option plus flexible pour les indépendants

Un CELI est un régime de placement enregistré dans lequel l’argent que vous placez, les gains obtenus et les retraits sont exonérés d’impôt.

L’argent qui fructifie dans ce compte est donc libre d’impôt. Contrairement à un REER qui est imposable au moment du retrait, le CELI n’a pas de restrictions pour être retiré.

C’est souvent un placement qui est conseillé pour commencer à épargner avec un revenu modéré, pour des objectifs à court ou moyen terme.

Pour ce qui concerne la retraite, il sera utile pour les débuts, le temps de remplir au maximum un compte par exemple, avant d’éventuellement ouvrir un REER pour l’alimenter grâce au gains du CELI, en cas d’augmentation des revenus de travail autonome.

 

Avantages du CELI : Les intérêts gagnés sont exonérés d’impôt, contrairement au REER. Il est plus flexible que le REER par exemple, puisqu’il est possible de faire des retraits et d’utiliser cet argent, en cas de besoin.

Les montants des retraits sont aussi reportables : si vous retirez des fonds d’un CELI, vous pouvez remettre le montant retiré l’année d’après, en plus de vos droits de cotisation annuels et de tout droit de cotisation non utilisés.

Et à l’intérieur du CELI, il y a une variété de placement possibles : CPG (certificat de placement garanti), Fonds communs de placement, FNB (fonds négociés en bourse), actions, et plus. Dans une optique de retraite, il est conseillé d’opté pour des fonds communs.

Les droits de cotisations totaux sont en fait l’addition de tous les droits depuis que vous avez 18 ans, à condition d’être résident canadien. Par exemple si vous aviez 18 ans en 2009, en 2020 vos droits totaux cumulés sont de 75 500 CAD en 2021.

Inconvénients du CELI : Les limites de cotisations. Un CELI vous donne droit à un maximum de cotisations, qui est de 6000 CAD en 2021.

Vous ne pourrez donc pas envisagez d’y mettre plus certaines années. Et il faut aussi garder en tête, si on pense sur le long terme en vue de la retraite, que ce plafond peut changer avec la loi au cours des années, lorsqu’un gouvernement fédéral change par exemple.

Certains y voit aussi la flexibilité comme un inconvénient : il est trop facile à retirer, contrairement à un REER auquel on ne pourra pas toucher avant la retraite…

CELI ou REER lequel choisir? C’est souvent le grand débat quant à la question de l’épargne, qui se pose encore plus chez les travailleurs indépendants qui doivent gérer ça eux-mêmes.

 

Quel compte d’épargne retraite choisir ? Les deux sont en fait parfois liées dans la stratégie. En tenant compte des différents avantages fiscaux des deux options, c’est votre revenu annuel et la tranche d’imposition qui pourrait déterminer la réponse, mais aussi d’autres facteurs comme la situation familiale.

 

Considérant les paliers d’imposition, certains experts financiers estiment que si votre revenu annuel est inférieur à 49 050 CAD, il serait préférable de d’abord cotiser dans un CELI, pour ensuite ouvrir un REER une fois les cotisations maximales atteintes, puisque le montant d’un CELI est déjà imposé, et puisque les REER sont déductibles d’impôt : cela réduira votre montant imposable.

 

Si vous êtes travailleur autonome et que votre revenu annuel génère déjà plus de 49 050 CAD par an, alors il est préférable de cotiser directement dans un REER pour pouvoir réduire son revenu imposable.

 

Cependant, dans une situation familiale avec de jeunes enfants par exemple, il est avantageux de cotiser dans un REER peu importe votre chiffre d’affaire puisqu’il pourra faire baisser votre revenu familial imposable et vous donner à certaines prestations gouvernementales comme des allocations familiales.

LE RRI : Régime de Retraite Individuel

Le RRI est un régime de retraite destiné aux employés rattachés à l’entreprise, détenant au moins 10% ou plus des actions de l’entreprise. C’est un régime qui est parrainé par une entreprise constituée en société, destiné à ses propriétaires ou ses dirigeants. Il peut ainsi représenter une option très intéressant pour des travailleurs autonomes incorporés. Il permet notamment de déterminer à l’avance des montants de prestation pour la retraite.

Avantages du RRI : L’avantage majeur est le côté prévisible : on peut savoir à l’avance le montant exacte des prestations qu’on touchera à la retraite, puisqu’il est possible de les prédéterminer avec ce régime.

Les rendements des placements sont à l’abri de l’impôt, et le montant des cotisations peut-être plus élevé que dans des REER. Il y a également plusieurs avantages de flexibilité, pour par exemple racheter des années de service antérieur pour une rente plus élevée, fractionner le revenu avec un conjoint, ou encore bonifier le régime en cas de retraite anticipée.

Inconvénients du RRI : L’administration et la mise en place de ce régime est assez coûteuse, en plus d’être assez complexe, nécessitant souvent d’engager des fiscalistes spécialisés comme des actuaires.

Il faut savoir que si les rendements sont insuffisants, des cotisations supplémentaires pourraient être mises en place. De plus, les participants à un RRI pourraient ne plus avoir de nouveaux droits de cotisation à un REER.

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Quand et combien épargner pour sa retraite de travailleur autonome ?

Peu importe vos choix et stratégies de placements, votre style de plan retraite ou plan fiscal, il y a une chose qui est certaine et essentielle pour tous les travailleurs et travailleuses autonomes du Québec : il faut commencer le plus tôt possible et optimiser pour en mettre le plus possible de côté.

Pourquoi ? Parce que les indépendants ne peuvent compter que sur eux-mêmes, en n’ayant pas accès à la contribution d’un employeur par exemple, qui vous prélève automatiquement du début à la fin de votre carrière.

Cette responsabilité implique une discipline financière et une rigueur dans les finances personnelles qui n’est pas évidente.

Surtout parce que les revenus indépendants sont directement accessibles au travailleur autonome, et il est facile de les dépenser ailleurs, ne pas les placer, ou de remettre au mois prochain plutôt que de les mettre dans un coffre auquel on ne touchera pas avant l’âge de 65 ans par exemple.

C’est pourquoi il est important de mettre en place une stratégie d’épargne et un plan fiscal dès le début de son activité de travailleur autonome, en fixant des objectifs.

Même s’ils sont très modestes, car l’important est de rester réaliste en fonction de sa capacité d’épargne et de ses revenus, mais surtout de commencer le plus tôt possible. Encore plus si on commence sa carrière de travailleur indépendant à 30 ou 40 ans.

 

Les pièges à éviter pour l’épargnant indépendant

Plusieurs réflexes ou tendances peuvent en fait se révéler être des pièges et des choix moins judicieux dans l’optique de s’assurer une pension décente en vue de la retraite.

Concentrer ses placements au même endroit : Il peut être facile de se concentrer sur une seule cible en maximisant une seule source de régime de retraite ou d’épargne, un seul compte par exemple.

La plupart des experts financiers vont conseilleront au contraire de diversifier vos sources de revenus pour la retraite.

Non seulement pour assurer une stabilité, par exemple en cas de changement de situation impliquant l’arrêt d’une des sources et en avoir une autre disponible.

Mais aussi pour être prêt aux éventuelles fluctuations du marché économique, comme les changements de taux d’intérêts et de taux d’imposition, ce qui est possible d’arriver lorsqu’on parle d’une période d’épargne s’étalant sur trente années.

 

Placement de l’entreprise : Certains travailleurs autonomes connaissant un succès notable de leur entreprise seront tentés de concentrer leur épargne dans le capital potentiel représenté par la revente de leur entreprise.

Cependant, il est important de considérer l’évolution du marché sur plusieurs dizaines d’années.

 

Maximiser les déductions d’impôt : C’est un réflexe assez normal pour beaucoup de nouveaux chefs d’entreprise : essayer de faire baisser au maximum sont revenu imposable pour payer moins d’impôts, et parfois même bénéficier de certains crédits d’impôts.

Cependant, ce serait négliger le complément de revenu considérable représenté par le Régime De Rentes de Québec.

Les travailleurs autonomes y contribuent en payant leurs impôts, et son montant arrivé à a retraite sera conséquent de ces contributions.

Certains travailleurs autonomes qui décident de s’incorporer se verseront des dividendes pour éviter un revenu imposable, et pour se verser un moindre salaire.

Mais ces dividendes ne contribueront pas à accumuler une épargne retraite possible avec le RRQ.

En gros, lorsqu’on en vient à épargner pour sa retraite, il est préférable de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier.

 

Pour aller plus loin, vous pouvez consulter la page du site de Retraite Québec dédiée aux travailleurs autonomes : https://www.rrq.gouv.qc.ca/fr/travail/emploi_rrq/travailleur_autonome/Pages/travailleur_autonome.aspx

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