Les alternatives au statut de travailleur autonome au Québec

Par Bruno Maniaci

On parle beaucoup des travailleurs et travailleuses autonomes au Québec, puisqu’ils sont presque 600 000, et représentent près de 15% de la population active au Canada.

Mais on peut se poser la question : est-ce qu’il existe des alternatives au statut de travailleur autonome ?

Quelles autres formes juridiques d’entreprises sont possibles ?

Vous êtes peut-être déjà établi comme travailleur autonome et vous vous demandez si d’autres alternatives pourraient correspondre à votre situation professionnelle.

Ou bien vous pensez à vous lancer en affaires, et vous êtes curieux de voir plus loin que le statut travailleur autonome, pourquoi pas avec un associé par exemple.

Essayons de faire un tour d’horizon des possibilités juridiques.

alternatives au statut de travailleur autonome

Entreprise d’une seule personne : la société par actions

Deux options sont possibles pour les travailleurs indépendants seuls, aux yeux du registraire des entreprises du Québec et de Revenu Québec : l’entreprise individuelle, qui est la forme juridique du statut de travailleur autonome, et la société par actions (compagnie).

Si on reste dans le cadre d’une seule personne qui monte son entreprise, il y a donc seulement une alternative possible au statut de travailleur autonome, celle de la société par actions, c’est-à-dire de s’incorporer en compagnie.

Cette dernière présente certains avantages et inconvénients par rapport au statut de travailleur autonome.

Dans la société incorporée, la différence principale avec l’entreprise individuelle est la dissociation entre le travailleur comme personne individuelle et sa compagnie comme une entité légale séparée, représentée alors par une personne morale.

Rapidement, d’un point de vue global :

 

Travailleur Autonome : vous êtes votre propre patron et travaillez à votre propre compte. Vous facturez vos prestations de travail à votre nom, votre entreprise individuelle.

Vous encaissez tous les profits, et les revenus à votre nom, directement dans votre compte.

Votre revenu net, après dépenses déductibles, figurera sur votre déclaration d’impôt personnelle, car le travailleur autonome est soumis à l’impôt sur les particuliers.

Vous êtes responsable de votre compagnie à 100%.

 

Société par actions : vous possédez votre société incorporée et facturez au nom de celle-ci.

Vous déclarez ainsi deux revenus séparés : votre impôt personnel, et celui de votre société, qui peut par exemple vous verser votre salaire.

Votre responsabilité personnelle est détachée de celle de votre entreprise.

Vous pouvez donc monter votre compagnie comme travailleur indépendant, tout en dissociant votre personne individuelle de votre personne morale.

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Société par actions : avantages et inconvénients

Voyons maintenant plus précisément les avantages et inconvénients de cette alternative, en comparant l’incorporation en compagnie, donc la société par actions, à l’entreprise individuelle, le statut de travailleur autonome.

 

1 – Les avantages de la société par actions

Des avantages fiscaux propres aux sociétés : Taux d’imposition moindre, opportunité de laisser des revenus nets dans la société par actions, de devenir actionnaire, de verser des dividendes, ou encore d’inclure ses enfants ou conjoints dans les actionnaires : ce sont plusieurs possibilités qui peuvent vous faire considérer l’option de l’incorporation, du point de vue de la fiscalité.

Beaucoup plus de flexibilité que l’entreprise individuelle, car le travail autonome est soumis à l’impôt progressif aux particuliers, donc taxé proportionnellement au chiffre d’affaire.

Ce qui laisse moins de marge de manœuvre pour profiter d’avantages fiscaux.

De meilleures possibilités de financement : Une institution financière pourrait vous accorder plus facilement un prêt qu’a un travailleur autonome, grâce au statut de société par actions.

Puisque par exemple en cas de dettes, celles-ci ne seront pas au nom de la personne individuelle.

L’incorporation peut ainsi être intéressante si vous avez des projets nécessitant des investissements et financements importants.

Plus de crédibilité et confiance du public : On va se dire les vraies affaires : avoir un nom d’entreprise déclaré, et pouvoir notamment afficher le fameux « inc. », c’est jouer dans une autre catégorie sur le marché du travail, surtout dans certains domaines, en termes de communication et marketing, si on parle d’image de marque par exemple.

Vous pourriez prétendre à de plus grands projets et bénéficier d’une crédibilité supérieure en termes d’image de marque, que ce soit auprès de partenaires ou de clients.

Selon l’industrie, une grande compagnie fera plus facilement appel à une société incorporée qu’à une entreprise individuelle.

Des meilleures perspectives de croissance : En étant incorporé en société par actions, vous pourriez éventuellement envisager une croissance importante de votre entreprise, comme par exemple avoir des employés à temps plein ou temps partiel à l’avenir, ou même de pouvoir revendre votre entreprise dans quelques années.

Cette forme juridique ouvre plus de portes aux niveaux fiscal et légal que le statut de travailleur autonome.

On peut penser au développement économique sur le long terme, mais aussi social, en allant vers une compagnie qui pourra avoir une convention collective pour offrir des avantages sociaux à ses employés, bénéficier de l’assurance-emploi et de meilleures conditions de travail.

Une meilleure protection en cas de faillite : Pas de responsabilité directe en cas de faillite de l’entreprise, alors qu’en entreprise individuelle, vous êtes responsable personnellement de l’entreprise, à 100%.

Ainsi en cas de problèmes, votre patrimoine personnel ne sera pas menacé, comme avec de la saisie de biens.

Les dettes s’appliqueront à la compagnie, et non à votre personne individuelle, ce qui est le cas lorsque vous êtes travailleur autonome. Vous êtes donc mieux protégé contre le risque financier.

 

2 – Les inconvénients de la société par actions

Des frais de gestion plus élevés : de l’immatriculation de l’entreprise aux frais de gestion obligatoires divers comme la tenue de cahiers et l’écriture de règlements, le recours nécessaire aux services d’avocats ou de comptables agréés : il faut être conscient que cette incorporation aura un certain coût, estimé entre 1000$ et 3000$ pour la première année, et d’autres frais courants annuels par la suite.

Alors que lancer son activité comme travailleur autonome ne vous coûtera rien ou presque du côté légal.

Une gestion plus complexe : s’incorporer, c’est aussi s’engager dans un niveau supérieur d’administration et de paperasses par rapport à l’entreprise individuelle : formulaires, comptabilité, tenue de comptes, relevés, déclaration de revenus.

La société par actions nécessite une gestion plus complexe que le statut de travailleur autonome, nécessitant parfois d’engager comptables ou avocats agréés.

Une autonomie réduite : Avec l’intervention et l’implication de tierces personnes dans la gestion de la société, et la complexité de certaines démarches, l’autonomie à titre personnel est en quelque sorte réduite, en comparaison avec l’entreprise individuelle.

En gérant tout de A à Z, le travailleur autonome contrôle tous les aspects de son entreprise, et jouit ainsi d’une grande autonomie et d’une liberté non-négligeable, par exemple pour concilier vie professionnelle et vie personnelle en étant flexible et responsable de son propre horaire et de ses obligations.

 

L’alternative de la société par actions : dans quels cas ?

L’alternative de s’incorporer au Québec pourra vous ouvrir des portes vers des projets de plus grande envergure, même si la gestion sera plus compliquée et coûteuse que celle de travailleur autonome, comme notamment les déclarations de revenus où vous devrez sûrement faire appel à un fiscaliste.

Vous pourriez avoir moins d’indépendance, mais plus d’ouvertures et de perspectives futures sur un point de vue entrepreneurial, ou avoir plus de pouvoir auprès des institutions financières pour envisager des investissements.

Selon plusieurs experts financiers, l’incorporation serait à envisager si votre activité de travailleur autonome génère des revenus assez importants pour être épargnés dans le compte de l’entreprise, sans être dépensés immédiatement.

Ou si votre chiffre d’affaire grandit significativement, que vous envisagez la création d’emplois dans l’avenir, que vous avez besoin de main d’œuvre régulièrement par exemple.

Ou encore si votre activité nécessite beaucoup d’investissements et de dépenses, justifiant l’utilisation active d’un compte de société séparé du compte personnel. Dans tous les cas il convient de bien étudier ses états financiers avant de se lancer.

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Les autres alternatives au statut de travailleur autonome

Si on ouvre notre champ juridique à deux ou plusieurs personnes, on peut alors considérer d’autres alternatives à l’entreprise individuelle et à la société par actions.

Des alternatives qui pourront être intéressantes pour des projets d’entreprise communs, avec par exemple deux ou plusieurs associés, ou encore un groupe de personnes comme dans une coopérative ou une société en nom collectif.

Ces alternatives s’adressent peut-être moins à des pigistes ou activités de travail autonome à temps partiel, mais plus à des projets de petites et moyennes entreprises en développement économique, à des professions libérales, ou encore à des professionnels et entrepreneurs établis cherchant à s’associer pour grandir et s’imposer sur le marché du travail québécois, canadien ou international.

 

Société en nom collectif (S.E.N.C) : C’est un groupement de professionnels qui s’associent pour exercer ensemble, en tant qu’associés, une activité commune.

Ils regroupent ensemble des biens, expertises pour exercer sous un nom commun, leur nom collectif. S’ils partagent les profits, les associés partagent aussi les dettes.

Et comme pour l’entreprise individuelle, les dettes sont à leurs noms propres, donc ils peuvent s’exposer, en cas de litiges, à des saisies de biens personnels.

L’avantage est de pouvoir mettre des ressources en commun, partager les coûts reliés à l’entreprise.

On peut penser par exemple à des bureaux de professionnels associés, comme des cabinets de consultants, de médecins, des groupements d’avocats ou comptables.

 

Société en commandite (S.E.C) : C’est une entreprise qui est financée par un ou plusieurs commanditaires extérieurs, liés par le contrat de société à un ou plusieurs travailleurs, définis comme les commandités.

Ils fournissent leur travail, compétences et expertises en échange du capital fournit par les commanditaires, que ce soit de l’argent ou des biens pour la société.

La société possède un nom collectif, et les commandités sont également responsable de la gestion et l’administration de la compagnie.

En résumé, les commandités gèrent l’opérationnel de l’entreprise, et les commandites fournissent le capital.

L’intérêt de cette forme juridique est essentiellement le financement, permettant par exemple de développer un projet d’envergure sans partir de zéro en termes de capital, grâce à des investisseurs.

Cette forme est surtout répandue dans le secteur financier et dans l’exploitation des ressources naturelles.

On peut aussi penser au modèle de certaines start-ups en informatique, notamment aux États-Unis, qui vont parfois développer et présenter des projets, exemple pour une application, et trouver des investisseurs pour réaliser le projet et lancer l’entreprise sur le marché du travail.

 

Société en participation : C’est une entreprise qui n’a pas de personne morale, donc pas de personnalité au sens juridique, c’est-à-dire qu’elle ne peut pas agir en justice en son nom, par exemple.

Tous les associés agissent en leur nom propre, pour le compte de tous, réunis dans l’association de cette société.

Dans le principe, cette forme juridique est la même qu’une société en nom collectif ou une société en commandite, sauf qu’elle n’est pas immatriculée.

Il n’y a pas de personne morale qui la représente, c’est donc une société en participation.

Cette option peut constituer une alternative à la S.E.N.C ou la S.E.C dans certains contextes professionnels et juridiques où plusieurs travailleurs ou entrepreneurs voudraient unir leurs forces et leurs ressources tout en gardant une certaine indépendance individuelle, légalement parlant, tout en travaillant pour la même compagnie.

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Coopérative : C’est une entreprise qui appartient à une association de plusieurs membres, personnes physiques ou sociétés.

Sous un nom collectif, et représenté par une personne morale, la coopérative regroupe plusieurs membres avec des intérêts dans un projet commun, économique, social ou culturel, exploitant une entreprise commune.

Dans cette forme juridique, tous les membres partagent de manière démocratique la gestion de l’entreprise, et les profits sont répartis également.

Les différents acteurs partagent généralement cette même vision sociale et économique du partage équitable.

L’avantage de ce modèle d’affaires, en dehors de la gestion interne démocratique, est notamment de se placer sur le marché du travail en mettant en commun des ressources, et créer une force de travail commune qui peut par exemple aider en termes de concurrence, pour certains domaines.

Au Québec, les coopératives ont généralement une durée de vie plus longue que les sociétés privées.

 

Organisme ou personne morale sans but lucratif : également appelée association personnifiée, c’est une entreprise qui n’a pas d’actionnaires mais seulement des membres et administrateurs.

Et c’est principalement la nature de son activité qui va la définir.

Selon le Registraire des Entreprises du Québec, un OBNL est un groupement d’individus qui poursuivent un but à caractère moral ou altruiste et qui n’ont pas l’intention de faire des gains pécuniaires à partager entre les membres.

Une telle personne morale est une entité juridique distincte. À ce titre, elle détient des droits et des obligations qui lui sont propres.

Dans cette forme juridique, on sort donc de la logique mercantile ou capitaliste d’une entreprise cherchant à faire du profit.

Ce genre d’entreprise est souvent à vocation sociale, culturelle, éducative, religieuse, philanthropique, sportive ou encore artistique, et n’a pas pour projet de générer et procurer un chiffre d’affaire à ses membres.

 

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